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AN =  Archéologie préventive pour le Projet de bitumage de la route Makokou-Mekambo-Ekata (Gabon).

17 février 2021
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Fereole Clarpin Moussounda
Université Omar Bongo
Département d’Histoire et Archéologie
Gabon

Lire le résumé

Dans le cadre du projet de bitumage de la route Makokou-Mekambo-Ekata, nous avons effectué des sondages archéologiques autour de trois tronçons : Makokou-Batouala, Batouala-Mekambo et Mekambo-Ekata. L’évaluation des données archéologiques sont exigées par les Conventions de l’UNESCO de 1972 [1] et de 2003 [2] pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel et la loi n°2/94 du 23 décembre 1994 portant sur la protection des biens culturels en République Gabonaise. La Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale ne déroge pas à la règle et fait des études d’impact environnemental et social une de ses exigences. L’étude consiste à utiliser les méthodes les plus classiques en archéologie comme la prospection, sondage et au besoin une fouille ; cette méthode est celle des programmes de sauvetage du patrimoine archéologique. Plusieurs zones de recherches ont retenu notre attention : des zones d’érosions, layons, monticules et versants. Afin de prévenir d’éventuelles destructions des sites archéologiques dans différents tronçons, l’étude d’impact sur les sensibilités archéologiques s’attache à établir un tableau synoptique des ressources archéologiques et à mener des prospections pédestres en vue d’identifier des sites archéologiques. L’objectif est de préciser leur extension, leur conservation, afin de permettre une évaluation du degré de protection des sites. Nous proposons aussi des mesures pouvant atténuer l’impact du projet sur le patrimoine archéologique de manière à établir une carte archéologique.

1. Méthodologie

Les populations de la région ont eu des zones préférentielles d’occupations, à savoir les sommets de colline et les talus. Le constat a été établi que certains arbres sont des témoins écologiques de la présence humaine. Dans la province de l’Ogooué-Ivindo, l’homme, que ce soit en savane (Lopé) ou en forêt (tronçon Makokou-Ekata favorise le peuplement direct ou indirect d’espèces. Très souvent, les concentrations d’Elaeis guineensis (palmier à huile), ou les peuplements de manguiers (Mangifera indica), sont les témoins vivants de villages du dernier millénaire de notre ère. C’est sur la base de ces informations que nous avons décidé de prospecter les sommets de colline qui longeaient toute notre zone d’étude et d’avoir un regard particulier sur les éléments botaniques. La méthode mise en pratique était la prospection par observation directe du sol (en voiture et à la marche). L’archéologie préventive vise à assurer la sauvegarde d’un éventuel patrimoine archéologique, qui pourrait être menacé par la mise en œuvre du projet. Elle doit, en principe, se dérouler sous la forme de plusieurs opérations plus ou moins successives, notamment la collecte documentaire qui permet de faire un état de lieu des connaissances archéologiques de la région en général ; la prospection pédestre qui consiste à couvrir les zones sélectionnées, à identifier les zones à vestiges, à les photographier, à les géo-référencer, à collecter des échantillons des traces relatives à l’archéologie. Nous disposions également d’un matériel classique pour mener à bien notre prospection : une truelle, des sacs plastiques, une carte géographique, une boussole, un GPS etc… La recherche fut longtemps limitée à la prospection accompagnée de sondages, voire de fouilles réduites ou superficielles (G. Camps, 1979, 1).

La stratégie d’échantillonnage retenue a permis de prospecter le long du tronçon jusqu’à 10m, voire 20m, et des terrains déblayés par les engins. Nous avons également prospecté le terrain suivant une équidistance de 3 à 4m. La recherche d’indices de sites s’est faite par prospection sur les villages, monticules et autres lieux susceptibles d’avoir abrités des populations préhistoriques et protohistoriques (F. Moussounda, 2018, 3 ; 2017, 7 ; 2014, 5 ; 2013, 8 ; 2012, 3). Cette méthode consiste en une observation des talus résultants de la construction des pistes forestières, des carrières, des pistes d’éléphants aux bords des rivières et à côté des buses. Les sites prospectés sont des lieux susceptibles d’avoir abrité des « populations préhistoriques et protohistoriques » (R. Oslisly et A. Assoko 2006, 13).

2. Historique des populations autochtones dans la zone prospectée

Plusieurs peuples sont installés sur la vallée de l’Ivindo dont les Ikota, les Mahongwé, les Osamaye, les Ndambomo, les Sakè, les Bekwel, les Bishiwa, les Kandé, les Pindji, les Basimba, les Fangs, les Bakèlè ou Boungom et les Bakola. Il existe des critères précis d’identification des populations : l’histoire nous montre une origine lointaine vers le Cameroun, dans la région de la Lebombi où la guerre du pupu ou epupwa aurait entraîné une querelle autour de la propriété des terres mais les Fang et d’autres peuples de l’Ogooué-Ivindo, d’après les sources orales s’y seraient installés en « passant par le fleuve Yom, grâce à « laliane Ntou ». Puis, ils ont traversé la forêt jusqu’à un autre fleuve. Ils ont suivi la rivère d’où on extrait l’or. L’or était conservé dans des cornes préparées qu’on offrait vides aux enfants pour qu’ils deviennent riches et qu’on appelait akaa (promesse). A l’origine, les Fangs habitaient à Moboun, sur un plateau où il y avait beaucoup d’animaux. Ils sont descendus vers les forêts habitées par les hommes des bas-fonds (ebuangolasi). Les Betsi, purs Fang, sont venus les premiers ; les Ntoumou les ont suivis ; les Zamane se sont mélangés avec des tribus non-fang. Les Betsi sont venus par Mitzic, l’Okano et l’Abanga. Il y avait 6 000 familles qui se livraient entre elles à des razzias » (H. Deschamps, 1962, 102).

3. Historique de recherche archéologique et environnementale

La bibliographie relative à l’archéologie des territoires immédiats repose essentiellement sur les travaux scientifiques. L’outillage lithique repose sur une industrie macrolithique. Il s’agit généralement des percuteurs de plusieurs formes. Le cas de l’Ogooué Ivindo reste un schéma rare : les carrières sont difficiles d’accès. Les connaissances relatives à la géologie sont d’une manière générale regroupées dans le degré carré géologique du Haut-Komo (J.P. Prian et al., 1998). Les formations géologiques sur lesquelles se développe les recherches appartiennent aux granitoïdes de l’Archéen du Massif du Nord Gabon et au Protérozoïque inférieur de la terminaison nord des séries cristallophylliennes de l’Ogooué. Les formations récentes, superficielles, concernent les zones d’altération latéritique, les alluvions et les colluvions. Les formations géologiques traversées par la route sont recouvertes par un épais manteau d’altération latéritique occupant l’ensemble de la surface topographique mis à part les zones où la roche affleure. On distingue trois horizons au-dessus de la roche mère, à savoir un ensemble qui correspond aux altérites et un autre, à la « stone line » et pour finir une couverture argilo-sableuse de surface. Les alluvions sont représentées par des dépôts alluvionnaires que l’on peut apercevoir dans les talus de route non loin des rivières. Le colluvionnement représente un phénomène général en bas de pente des systèmes collinaires et des reliefs marqués ; les colluvions sont généralement emportées par l’érosion pluviale pour enrichir les terrasses alluviales. Quant à la pédologie, les sols ferralitiques sont les plus représentatifs de la zone d’étude avec quelques zones à sols hydromorphes (J. Collinet, A. Forget, 1976, 49). Les sols ferralitiques sont assez profonds et tiennent une grande surface dans la région de Sasangomo (chaîne de Montagne après Batoula, dans l’itinéraire Makokou-Mekambo). Ils sont généralement argilo-sableux, meubles, associés à une faible quantité d’humus et des hématites de fer.

La coupe de ces sols présente, du haut vers le bas une couche humifère de couleur brune d’une épaisseur variant entre 15 et 25 m. Celle-ci est suivie d’une couche argilo-sableuse d’1 à 3 m avec à sa base une ligne de cailloux (la stone-line) ou des concrétions ferrugineuses se transformant parfois en cuirasse de faible étendue. La dernière section est occupée par une zone d’altération de la roche mère. Le type de climat prévalant dans cette région est de type équatorial chaud et humide. Les saisons climatiques sont bien marquées au Gabon avec une saison sèche et une saison de pluie. L’humidité relative varie peu au cours de l’année et la moyenne atteint 85%. Le minimum absolu s’observe en saison sèche avec 43% en août. Le maximum s’observe au mois d’octobre et novembre lors de la saison de pluie. Le Gabon est couvert à 85 % par une forêt ombrophile dense et humide. La vallée de l’Ogooué-Ivindo ne déroge pas à la règle, elle comporte certaines particularités. La formation forestière fait partie des forêts à marantacées constituée en grande partie d’arbres dominants tels : l’okoumé (Aucoumea klaineana), l’ilomba (Pycnanthus angolensis), l’atangatier domestique (Dacryodes büttneri), le padouk (Pterocarpus soyauxii) et le bubinga (Guibourtia tessmannii). Les informations concernant les paléoclimats montrent que la région de l’Ogooué Ivindo a connu des phases arides et humides au cours des cent vingt derniers milles ans :

  • le Maluékien de 70.000 à 40.000 ans, au cours de ce stade aride, des galets se sont accumulés le long des cours d’eaux tandis que sur les pentes des collines le ruissellement érodait les particules sablo-argileuses et mettait à nu les fragments de roche sub-anguleux et éléments grossiers plus lourds laissant une concentration de gravats en un pavage d’érosion, communément appelée la stone-line. A cette époque les hommes taillaient de gros outils de pierre à partir de galets que l’on retrouve dans les terrasses alluviales et les nappes de gravats de type « stone-line » ;
  • le Ndjilien estimé de 40.000 à 30.000 ans apparaît comme une période humide qui a affecté tout le bassin du Congo et ses bordures. Les forêts se sont développées, les rivières ont creusé dans les anciennes alluvions et l’altération des sols a donné des argiles. C’est au cours de ce stade qu’ont dû débuter les processus de déposition des particules fines (argiles, limons et sables) du niveau de recouvrement au-dessus de la stone line, communément appelé l’horizon argilo-sableux ;
  • le Léopoldvillien, c’est la période aride la mieux connue du quaternaire et la plus sévère pour les formations forestières. Cette phase de grande aridité s’est développée de 30.000 à 12.000 ans atteignant son paroxysme vers 18.000 ans. La forêt s’est rétractée vers les altitudes et les berges des cours d’eau afin d’y trouver l’humidité nécessaire à sa survie. Les savanes ont mis à profit cette régression forestière pour se développer plus intensément. Les rares pluies très brutales engendraient une puissante érosion qui décapait les particules argilo-sableuses de recouvrement, mettant à nu les nappes de cailloux. Les cours d’eau aux flots tumultueux devaient charrier des galets qui se sont accumulés dans les moyennes terrasse des 10m au-dessus du niveau actuel des eaux. Et, le Kibangien semblable à l’actuelle, on note un important assèchement au cours du dernier millénaire avant J.C. et ce n’est que depuis le début de l’ère chrétienne qu’une reprise d’un régime pluvial s’installe (B. Clist, 1995, Lafranchi, 1990).

4. Mission de terrain

Pour atteindre les objectifs de cette étude d’impact en archéologie, nous avons effectué une mission de terrain du 09/08/2020 au 04/09/ 2020. La méthode de travail est une adaptation de celle mise au point par Oslisly et White (R. Oslisly, L. White, 2003, 80) au Gabon. Cette dernière s’articule autour de trois points fondamentaux, à savoir : une bonne étude cartographique, la recherche de données concernant la géologie pour les sources potentielles de matières premières utilisées par les hommes et les données sur la pédologie et toute carte ayant trait à la végétation et des analyses botaniques.

La recherche de sites préhistoriques, souvent enfouis, fait l’objet de protocoles d’intervention particulier : carottages, sondages, etc. Chaque intervention fait l’objet d’un rapport décrivant les résultats obtenus. Sur la base de ces rapports, l’état ordonne ou non la réalisation d’une fouille archéologique. Ce décapage, entièrement mécanisé, permet la mise au jour des structures archéologiques. Il est suivi du relevé sur plan, par un topographe, de tous les faits archéologiques, et de la fouille dans le cadre d’un échantillonnage statistiquement représentatif. Richard Oslisly a fait des fouilles mécanisées, selon des procédures assu¬rant une fois la représentativité de l’échantillon.

En résumé, les sondages et fouilles sont utiles en archéologie préventive et l’approche historique des dynamiques socio-environnementales jouent un rôle majeur en faveur de la longue durée. L’étude d’impact en archéologie devient l’outil de réflexion indispensable sur l’aménagement des espaces et des territoires actuels.

5. La méthodologie d’enregistrement des données

Au cours des prospections, nous avons utilisé un GPS pour localiser les sites, une carte topographique, un carnet de note de terrain, des sachets pour récolter du matériel archéologique, un petit matériel de fouilles, deux appareils photos numériques et des fiches d’inventaire de site. Lorsqu’un site était repéré, la procédure suivante est adoptée : la photographie des sites et les coordonnées géographiques.

Nous faisons un inventaire des informations (notez le nombre d’outils archéologiques, le milieu physique et géographique, etc. La carte ci-dessous a été générée à la suite de ce travail.

Le dernier élément que l’on associe lors des campagnes de prospections consiste à mettre à profit les ouvertures pratiquées dans la couverture végétale qu’elles soient naturelles (chablis, berges de rivières et falaises) ou artificielles (grands travaux, routes et pistes).

La missions de terrain effectuée dans le Gabon permettent de constater que les hommes ont toujours eu une forte préférence dans le choix de l’emplacement de leur village, à savoir : une position d’altitude, aux sommets de collines, en forêt ou en savane. Une attention particulière a été également portée sur les zones d’emprunt latéritique en raison des décapages (R. Oslisly, 2010, 7 ; 2016, 3).

6. La zone 1. Makokou-Batouala

Dans ce tronçon, on note deux sites importants entre Makokou et Batouala : le site de la scierie et de Mayela 2. On note une importante quantité de céramique et de structures de combustion. Quant au site de Mayela 2, il est proche de la ville de Makokou. Il y a la présence de plusieurs poteries, foyers et une marmite en bon état.

7. Batoula-Mekambo

De Batoula à Mekambo, le site de Paris-Bouillon, non loin du marché de Mékambo, regorge de la céramique. Le matériel céramique est disséminé sur 70 m de long sur 50 m de large. L’impact est fort et s’étend sur 10 à 20 m le long du tronçon. Il serait plausible de dire que le site de Paris-Bouillon est un site hors du commun.

Bonamaza 1 est le plus grand en étendue. Il est situé sur la route Mekambo-Batouala. Ce site présente un impact très élevé sur le tronçon Batouala-Mekambo. On trouve : des fours encore en place, des fosses et des structures de combustion.

8. Mekambo-Ekata

Nous avons commencé dans le sens inverse du tronçon autrement, nous sommes partis d’Ekata en remontant vers Mekambo. Nous constatons plusieurs impacts forts dans ce tronçon. Il s’agit entre : du village Ilahounene avec pour coordonnées géographiques (33N 0411366 UTM 0075788). Dans ce site découvert sur la cours de la première maison en allant vers Mekambo, on note la présence de petits ossements associés à de la céramique chez Mr Afarha. Le site montre des ossements disséminés autour de la céramique. La présence d’une structure de combustion montre que les paléo- populations ont connu l’usage du feu et la présence des ossements peut symboliser la consommation des rongeurs ou du gibier. Ce site présente, à notre avis, un impact fort dans le cadre du projet. Il est vrai qu’au premier village Ekata, dans le sens Ekata-Makokou, on note la présence des tessons de céramique éparpillés. Il y a lieu d’organiser une fouille afin d’éviter toute destruction de ce patrimoine précieux.

Au village Mékouma et Mbéza, dans ce tronçon, on note la présence de plusieurs céramiques sur le long du tronçon associé à de charbons de bois. Ici, on peut dire que l’impact est faible dans la mesure ou le site n’est pas en place. Aussi, la présence de pièces du paléolithique supérieur de belle facture et un impact fort. Il s’agit d’un atelier de taille de quartz, des éclats retouchés, de la pierre taillée. On peut aussi penser à une halte de chasseur cueilleur.

9. Les percuteurs de décorticage

Notre étude ne s’intéresse pas uniquement à la zone de percussion résultante des choix techniques du tailleur, mais aussi à la forme, la matière première et la nature. Cette dernière détermine, par la prise en main qu’elle oblige, la localisation et la morphologie de la future zone de percussion. C’est par cette variable que le percuteur doit être étudié comme un tout indissociable, du fait même qu’il n’a pas été façonné. La morphologie générale doit être étudiée avec soin, car elle conditionne le mode de préhension et, par la suite, le mode d’emploi du percuteur. On appliquera les principes de la morphologie descriptive, qui réside dans une démarche analytique, visant à dissocier les divers composants de la morphologie de l’objet, afin d’en faire ressortir les particularités. Les objets ne peuvent, dès lors, être rapportés à un même type que lorsqu’ils présentent un nombre suffisant de caractères élémentaires communs. Les galets de dimensions importantes ont servi pour le décorticage et la mise en forme. Ils présentent presque essentiellement des cupules sur leurs extrémités les plus saillantes. Les longueurs des percuteurs de décorticage varient entre 14 et 22 cm, les largeurs s’échelonnent entre 7 et 12 cm, et les épaisseurs entre 6 et 11 cm et ont presque les mêmes dimensions que les largeurs. On remarque ici que tous les percuteurs de décorticage ont été utilisés sur les deux extrémités. On parle alors d’une utilisation bipolaire qui pourrait démontrer une activité importante de la taille d’outils. Notre classification des fronts de percussion est fondée sur nos observations des percuteurs vus de face : rectilignes, arrondis et pointus. Concernant l’usure, on ne peut pas déterminer si elle est à l’origine de l’abandon du percuteur ou si l’objet était en attente d’être utilisé. Nous donnerons systématiquement les formes originales, à savoir : allongées, semi-circulaires et circulaires. Les longueurs sur les catégories des percuteurs sont nettes et représentatives. Les percuteurs sont divisés par échantillons de 14-22 cm (percuteurs de décorticage de morphologie allongée) ; 10-13 cm (percuteurs de débitage de morphologie semi-circulaire) et pour 7-12 cm (percuteurs de retouche de morphologie circulaire).

10. Les percuteurs de débitage
Les percuteurs de débitage, de morphologie semi-circulaire moyenne, souvent bien tenus à la main, sont moins lourds que les percuteurs de décorticage. Les poids varient entre 200 et 450g. Les stigmates sont localisés sur la partie latérale gauche ou droite et les zones d’utilisation suggèrent qu’elles ont été beaucoup sollicitées. Certains de ces percuteurs ont sans doute été utilisés pour la retouche des éclats plus gros. Ici, les éclats devaient être façonnés comme des nucléus. A la différence des percuteurs de décorticage, les percuteurs de débitage montrent, chacun, un front de percussion grossier, dans la partie mésiale. A cette phase de débitage, les éclats produits répondent à une forme prédéterminée. Le front de percussion est sollicité de façon intensive en répondant à ces critères de besoin particulier. Les longueurs varient entre 14 et 22 cm et les largueurs entre 8 et 12 cm. Les épaisseurs s’échelonnent de 6 à 11 cm. Les éclats sont, en général, épais. Leur forme est assez semi-circulaire. Les fronts de percussion montrent que les percuteurs ont été utilisés sur plusieurs nucléus pour le débitage des outils lithiques. On a des abrasions sur les deux faces, dans la partie mésiale ; l’extrémité de la face supérieure est bombée ou proéminente.

11. Les percuteurs de retouche

Les percuteurs de retouche sont de petite taille. Selon toute vraisemblance, ils ont servi à plusieurs usages, notamment : la remise en forme de petit nucléus, le débitage de petits supports (lamelles). La longueur de ces percuteurs varie entre 7 et 11 cm, la largeur entre 5 et 10 cm et épaisseur entre 3 et 8 cm, avec un poids allant de 60 à100g. La percussion est presque uniquement sur la partie latérale. Les percuteurs ont la même forme allongée. Pour ce qui est des fronts de percussion, les traces sont localisées de la même façon que pour les percuteurs de débitage. Les percuteurs de retouche présentent sur la partie latérale une encoche qui fut utilisée ponctuellement pour le débitage. Une percussion oblique sur la partie latérale a ensuite fracturé la partie déjetée. Les stigmates sont des cupules profondes et larges de 4cm. Quelques stries peu marquées se situent dans la même concentration. L’aspect n’est ni écrasé ni émoussé. Il est bien différent d’une percussion sur extrémité de face. Les cupules sont dues à un arrachement de matière. Son usure de chaque côté de sa partie mésiale a abouti à une usure en pointe. Une fissure est présente sur la partie distale. Comme pour les percuteurs de débitage, cette usure de la pièce est due à une utilisation. Le bord de la facette présente des stries dues au contact avec le bord de la lamelle à retoucher. Aussi, l’orientation des facettes peut être un bon marqueur pour identifier si le tailleur était gaucher ou droitier. L’orientation peut être soumise ponctuellement à une adaptation. L’inclinaison peut ainsi varier pour le même tailleur.

En somme, entre Mekambo-Ekata on note un impact fort, nous avons des outils clairement préhistoriques découverts sur les sites en place.

On peut enregistrer une approche typo-technologique qui s’est appuyée essentiellement sur une étude des outils récoltés in situ et en surface pour les autres outils non évoqués ici.

Concernant l’origine de la matière première, les hommes préhistoriques ont prélevé de la matière locale. Par ailleurs, celle qui a été la plus utilisée est le quartzite. Ces hommes préhistoriques connaissaient et pratiquaient la percussion lancée directe au percuteur dur. Le débitage Levallois sur certains nucléus préparés avant le détachement de l’outil atteste manifestement une obtention des éclats de forme prédéterminée. Ce travail suggère que d’autres recherches pourront être menées à profit, par exemple, dans les domaines suivants : expériences d’utilisation et étude des traces résultant de l’utilisation d’outils faits de types de roches variées. La thèse sur les populations préhistoriques ayant séjourné sur les sites est recevable. Il serait intéressant de poursuivre l’étude des outils et de se mettre à la recherche d’autres sites afin de réaliser des fouilles conduites par une équipe de recherche. Ceci permettrait de vérifier et confirmer si les artisans étaient ou non de la région. Les vestiges issus des prospections et sondages de la fosse sur les deux sites viennent renforcer l’idée d’une occupation humaine ancienne dans le tronçon.

En premier, nous pouvons évoquer l’énorme présence des tessons de poterie, sur les deux sites. Les récoltes de surface ont livré des tessons de poterie diffus et une structure en creux. Il s’agit d’une période englobant le néolithique avec ces différentes formes de percuteurs, céramique et l’Age du fer ancien. Cette structure archéologique est la marque des sites de plein air et constitue également un indicateur de la sédentarisation. L’analyse du contenu de cette structure s’est avérée plus édifiante sur la période d’occupation du site. En effet, en plus des tessons de poterie, nous avions enregistré la présence du charbon de bois et des noix de palme calcinées et des fragments d’outils en pierre. En second, nous soulignons la présence de vestiges en pierre. Ces derniers sont exclusivement mis au jour à Mbeza.

Il s’agit des récoltes de surface et des trouvailles en contexte stratigraphique. A ce sujet, nous nous focalisions uniquement sur les vestiges en contexte, car ceux découverts hors contexte stratigraphique sont sujet à confusion. En parlant de domestication, nous avons remarqué une forte concentration des noix d’Elaies guineensis et de charbon de bois dans la fosse. Cette présence peut sous-entendre une domestication de la plante et/ou la place de cet aliment dans le menu de cette société. En plus de cela, il s’agit d’un indice sur le climat propice de la région, durant l’occupation de la zone. Pour ce qui est de l’étude spatiale des sites, elle a révélé des préférences topographiques. En effet, le dévolu était porté sur des collines en forme de demi-orange à cause des nombreux avantages qu’elles offraient. Parmi ces derniers, il y avait la proximité des cours d’eau, des aires de chasse et des parcelles à cultiver. Ces collines môles offraient aussi des endroits plus sains, moins contraignants par rapport aux bas-fonds qui grouillaient de bestioles. Ces espaces semblent avoir été privilégiés par des populations humaines anciennes de la sous-région (R. Oslisly, A. Assoko Ndong, 2006, 13). Les prospections et les fouilles effectuées n’ont malheureusement pas livrés des traces d’habitation sur l’ensemble des sites.

Conclusions et recommandations

Au terme de notre étude, l’ensemble du matériel collecté atteste la présence d’occupations humaines anciennes sur le tronçon Makokou-Mekambo-Ekata (Province de l’Ogooué-Ivindo). Le diagnostic effectué a livré cinq sites archéologiques notamment : Sciérie, Mékambo, Mayela 2, Paris Bouillon, Mbela Baya, Bonamaza1 et Mbeza. La majorité des vestiges découverts étaient situés en contexte stratigraphique et sur une topographie privilégiée pour l’implantation par des populations préhistoriques. Cependant, ces derniers seront impactés par les activités du projet du fait de leur proximité à la route. D’où une nécessité d’entreprendre des fouilles avant les travaux. Dans l’état actuel des connaissances, nous suggérons aussi les recommandations suivantes aux sociétés chargées d’exécuter les travaux :

  • sensibiliser les populations et les travailleurs sur l’existence d’éventuels outils archéologiques enfouis dans les sols à décaper ;
  • développer la surveillance des travaux est primordial dans les actions futures du domaine de l’archéologie préventive, notamment dans le tronçon Mekambo-Ekata. Cette dernière s’appliquera uniquement aux chantiers impliquant des décapages de grande quantité de terre. Nous savons qu’environ 50% des sites présents dans l’aire d’un chantier sont découverts lors de la surveillance des travaux (R. Oslisly, 2014) ;
  • exécuter obligatoirement les travaux de terrassement du tronçon Makokou-Mekambo-Ekata en présence d’une équipe d’archéologues. En cas de découvertes majeures, cette dernière procèdera à une fouille proprement dite, afin d’assurer la protection et la sauvegarde du patrimoine.

Bibliographie

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Oslisly Richard, « L’archéologie préventive en Afrique centrale (Cameroun et Gabon). Un outil du développement », in Coordination Galipaud J.C., Guillaud D., Une Archéologie pour le développement, Libreville, Collections Patrimoines, Les Editions La Discussion, 2014.
Oslisly Richard, « Recherches archéologiques dans la zone de Pongara à Nyonié. Rapport interne, Agence nationale des parcs nationaux », Libreville, 2015.
Oslisly Richard, White Lee, « Etude des traces de l’impact de l’homme sur l’environnement au cours de l’holocène dans deux régions d’Afrique centrale forestière. La réserve de la Lopé (Gabon) et le sanctuaire du Banyang Mbo (Cameroun) », in Actes du Séminaire Atelier. Les peuplements anciens et actuels des forêts tropicales, Orléans, ERMES IRD, 2003.

3. Thèses
Clist Bernard, Des premiers villages aux premiers européens autour de l’estuaire du Gabon. Quatre millénaires d’interactions entre l’homme et son milieu, Thèse de doctorat, Université libre de Bruxelles, Vols., 1 ; 2 ; 3 & 4, 2005.
Fereole Clarpin Moussounda, Etude du paléolithique moyen et supérieur dans le Sud-ouest du Gabon, thèse de Doctorat, Université de Paris Pathéon Sorbonne, 2010.

Pour citer cet article : Fereole Clarpin Moussounda, « Archéologie préventive pour le Projet de bitumage de la route Makokou-Mekambo-Ekata (Gabon). Etude prospective des zones 1, 2 et 3 », Revue Oudjat en Ligne, numéro 4, volumes 1 & 2, janvier 2021, L’Afrique en temps de pandémie. Vivre et écrire à l’ère du Covid-19, ISBN : 978-2-912603-98-2/EAN : 9782912603982.

[1La Convention de 1972 s’occupe de patrimoine matériel, tangible : monuments, sites culturels et naturels.

[2La Convention de 2003 vise à sauvegarder une forme spécifique de patrimoine (immatériel) : les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire que les communautés reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel.

 

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[Numéro ISSN : 3005 - 7566]