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++Numéro 1, volume 1, année 2017

30 novembre 2017
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Le livre prémonitoire et devenu célèbre de René Dumont, L’Afrique noire est mal partie, expliquait les raisons pour lesquels, le développement du continent ne pouvait être enclenché sur les bases des logiques économiques imposées par des siècles de commerce entre l’Occident et l’Afrique. Une autre hypothèse est celle défendue par Axelle Kabou. Dans son livre Et si l’Afrique refusait le développement, elle expose avec justesse une thèse bien combattue, mais néanmoins défendable, qui fonde le sous-développement du continent sur ses structures anthropologiques et culturelles. Entre ces deux lignes de partage, ont émergé d’autres idées. Ainsi, à l’occasion du cinquantenaire des indépendances africaines réunissant la France et ses anciennes colonies à Paris, Didier Cannet et Almouner Talibo écrivaient-ils : « La culture n’est ni un frein, ni une composante secondaire du développement, elle est son essence même. Le développement ce n’est pas seulement la croissance, mais également l’accès à une existence intellectuelle et spirituelle satisfaisante ; ce n’est pas seulement avoir plus mais également être mieux. La dynamique interne de chaque société doit être respectée et la mise en place et le leadership des programmes doit être confié par les bailleurs aux compétences locales, ainsi que les procédures administratives et financières. Pour cela il faut que les projets, dès leurs conceptions, intègrent la gouvernance et la réforme de l’Etat »1.

Malgré les multiples réflexions menées ces dernières années sur ce sujet, aussi bien en économie (Serge Latouche, 2010 ; Joseph Stiglitz, 2012), en politologie (Jean-François Obiang, 2007 ; Stephen Smith, 2003), en socio-anthropologie (Fidèle-Pierre Nze Nguema, 1998 ; Joseph Tonda, 2017) qu’en philosophie (Gilbert Zué-Nguéma, 2009), la réappropriation de ce débat paraît plus que d’actualité sous la perspective des « savoirs endogènes » exposés à la fois par l’historien Joseph Ki-Zerbo et le philosophe Paulin Houtondji. Pour ce dernier, les savoirs endogènes se rapportent à « une configuration culturelle donnée, une connaissance vécue par la société comme partie intégrante de son héritage, par opposition aux savoirs exogènes qui sont encore perçus, à ce stade au moins, comme des éléments d’un autre système de valeurs » (1994, 13). Reprenant Houtondji, Youssouf Kouma écrit dans son blog : « Les savoirs endogènes désignent précisément « ces savoirs ancestraux sur les plantes, les animaux, la santé et la maladie, ces techniques agricoles et artisanales anciennes », et existant comme activités théoriques et pratiques scientifiques au cœur des cultures africaines. Ils font référence à ces « acquis d’expériences gnoséologiques, inventives et technologiques » dont regorgent les cultures africaines dans maints domaines : la médecine, la pharmacopée, la biologie, l’agriculture, la botanique, la technologie, etc. ».

Bien qu’elles s’en défendent, les deux perspectives se déploient, pour ainsi dire, de manière vraisemblable, autour de la prétendue « spécificité des savoirs traditionnels » qui, d’une certaine façon, renvoie à la pensée « adamique » senghorienne fondée sur la dichotomique Raison occidentale (raison hellène) /Raison nègre (l’émotion nègre). Pourtant, il faut surmonter ce paradoxe et soumettre à l’intelligence critique l’idée d’une science universelle écrite en Afrique sur le modèle antadiopien, qui ne servirait pas que les Africains eux-mêmes, au risque de reproduire la psychologie et l’idéologie de la négritude, a posteriori, inefficaces au plan pragmatique.
Ce saut prométhéen, le temps est sans doute venu de le réaliser. Penser le développement de l’Afrique en tenant compte des savoirs endogènes est fondamental, certes. Cette fois, cet acte devrait se dégager de la gangue de la spécificité qui oppose le continent, tantôt culturellement, tantôt encore idéologiquement à l’Occident.

En s’appropriant quelques faiblesses des réflexions autour des « savoirs endogènes » et du « développement en Afrique », on peut en arriver à requalifier l’« endogénéité ». Une façon de le faire consiste à la réinterpréter simplement du point de vue des productions universitaires africaines, dans leurs rapports au développement du continent, pour autant qu’on ne veuille plus réduire le développement à l’analyse des agrégats économiques, mais en élargir le sens à « l’accès à une existence intellectuelle », « spirituelle » et sociale « satisfaisante » qui tienne compte des environnements à partir duquel celui-ci est pensé.

Cette perspective permet au moins d’évaluer l’efficacité des productions de la recherche et des universités en Afrique, en se posant la question de leurs orientations actuelles, de leurs impacts, de leurs rapports au politique, voire à l’anthropologie des savoirs africains au niveau des Etats-nations hérités de la colonisation.

En d’autres termes, comment les sciences enseignées et pratiquées dans les universités et grandes écoles en Afrique, appliquées et mises en œuvre dans les centres et laboratoires de recherche sur le continent permettent-elles ou échouent-elles à favoriser une réflexion sur le développement en Afrique par une production des savoirs qui fasse de l’Afrique ou de ses Etats-nations un objet de questionnements propres, un moteur pour la transformation des conditions de vie matérielles, le lieu de la valorisation des ressources naturelles et humaines, un moyen permettant d’esquisser des solutions aux problèmes de développement endogènes réels (au lieu de promouvoir des solutions destinés à satisfaire avant tout les intérêts économiques) ? Encore faut-il affiner l’interrogation. Les sciences pratiquées et vécues dans le continent ont-elles assez de force théorique pour « comprendre » l’Afrique, la réinventer ou susciter son développement à partir de ses propres paradigmes ?

Pour le premier numéro de la revue électronique des Editions Oudjat, les chercheurs, les enseignants-chercheurs et les doctorants de toutes les disciplines sont invités à questionner et approfondir les liens entre savoirs endogènes et développement en Afrique, dans le cadre de leur discipline et de leur pratique concrète. Le comité scientifique propose que les réflexions s’inscrivent dans les quatre axes thématiques suivants :

AXE 1 : Analyse des caractéristiques théoriques et méthodologiques des savoirs endogènes et du développement de l’Afrique. Les articles s’inscrivant dans cette catégorie doivent permettre de relever les principes, les critères et les indicateurs permettant d’évaluer avec pertinence le caractère endogène des projets, des programmes et des politiques de recherche développés dans le cadre des institutions étatiques, para et supra étatiques.

AXE 2 : Présentation des études de cas de projet de recherche ou des initiatives répondant aux besoins du développement local. Cet axe sera dédié à des articles exposant les activités de recherche ou d’animation scientifique passées ou en cours qui ont la prétention de s’attaquer à des problématiques de recherche endogènes, et dont la portée est d’avoir un impact positif sur le dynamisme économique, social et environnemental local.

AXE 3 : Réflexions sur la valorisation de la recherche et de l’expertise locale dans les projets et processus de prise de décision. Les articles qui s’inscrivent dans cet axe vont s’atteler à présenter des situations concrètes dans lesquelles l’expertise locale est sollicitée. Les auteurs des articles décriront le projet, en insistant sur les objectifs, les résultats attendus, les missions, la collaboration avec l’expertise locale et l’interaction avec l’expertise internationale, le déroulement du projet, les difficultés rencontrées et l’évaluation finale de l’intervention et du projet.

AXE 4 : La gouvernance et financement des projets de recherche en vue de promouvoir la recherche endogène. Les articles à soumettre dans cette rubrique doivent d’une part décrypter les effets pervers de la gouvernance sur les performances de l’expertise locale. Ils peuvent aussi mettre en exergue l’influence négative de l’absence de fonds permettant de soutenir à moyen et long terme les projets de recherche. Dans un cas comme dans l’autre, les articles qui s’inscrivent dans cette perspective doivent déboucher sur des recommandations et des stratégies permettant de promouvoir le développement des projets de recherche endogènes.
Les auteurs de diverses contributions s’emploieront à répondre aux préoccupations suivantes : comment les sciences humaines et sociales, en général et en particulier, celles développées en Afrique, pensent-t-elles, vivent-elles ou se représentent-elles le développement de l’Afrique ou de ses Etats ?
Cet appel à contribution s’adresse à tout Chercheur(e), Enseignant(e)-chercheur(e) ou Doctorant(e) intéressé(e) par cette problématique. Celle-ci sera traitée à partir de champs de recherche et/ou des perspectives individuelles.

Recommandations aux auteurs :

Les propositions de communication seront envoyées sous forme d’un résumé de 3000 mots (espaces y compris), comprenant : un plan, des mots clés, l’identité de l’auteur et son rattachement institutionnel.
Le résumé explicitera l’axe de la communication, son objectif, la méthodologie et les aspects abordés.
Les articles devront être dotés d’un titre et d’un sous-titre, écrits en police « Bookman Antiqua », taille 12, interligne 1,5. Ils devront avoir 10 pages au minimum et 18 pages au maximum, y compris les illustrations (photographies, cartes, graphiques). Les normes d’écriture sont celles éditées par la Conférence Africaine et Malgache pour l’Enseignement Supérieur (Cames) ci-dessous.

Agenda :

Le 30 juin 2017 : diffusion de l’Appel à contributions
Le 30 août 2017 : réception des résumés
Le 30 octobre 2017 : réception des contributions (délai de rigueur)
Novembre 2017 : corrections
30 Décembre 2017 : mise en ligne des contributions.

Les contributions doivent être envoyées au Secrétariat Scientifique des Editions Oudjat en Ligne, à l’adresse suivante : frpergnevngfbry@tznvy.pbz

Le Bureau scientifique des Editions OEL

 

...penser l'Afrique        la penser ensemble...

[Numéro ISSN : 3005 - 7566]