ACCUEIL » PUBLICATIONS » ANCIENS NUMEROS » Miroirs d’Afriques. Les quotidiens éprouvés, numéro 3, volume 2, janvier 2020 » Articles de ce numéro

AN =  Productions audiovisuelles et esthétique.

4 février 2020
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Jean-Baptiste Boni Assié,
Yao N’Dri,
Département des Arts,
UFR Informations, Communications et Arts,
Université Félix Houphouët-Boigny,
Côte d’Ivoire

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En 2015, les sœurs Amon avec Chroniques Africaines, offrent à la Côte d’Ivoire le premier prix de la série télévisuelle au FESPACO. Marie et Alexandra Amon sont aussi les premières du monde de l’audiovisuel ivoirien à mener à son terme une coproduction avec une célèbre banque nigériane pour la web série Boutique Hôtel qui a fait le « buzz » en 2016. En 2018, la série ivoirienne Invisibles est diffusée sur Canal+. Ce téléfilm produit par TSK studios a remporté dans la même année le prix de la meilleure fiction francophone étrangère à la 20e édition du festival de la fiction TV de La Rochelle, mettant un terme au règne de 20 ans du Québec qui faisait la course en tête dans cette catégorie.

Comme on le constate, les productions des acteurs de la « génération Ma famille [1] sont parmi les meilleurs du continent. Ces productions qui foisonnent [2] depuis le succès fulgurant de la mythique série feuilletonnante Ma famille glanent de plus en plus des lauriers dans les différents festivals à travers le monde. En outre, elles séduisent aussi les téléspectateurs de l’Afrique francophone et, en version doublée, de l’Afrique anglophone.

Cependant, en marge des productions à grand succès sont produites de nombreuses autres séries ivoiriennes dont la qualité esthétique et le contenu font réagir négativement un public de plus en plus exigeant.

Insistant sur le Nobodyknows, première règle sacro-sainte de l’économie du cinéma, cet article se propose dans une démarche comparative d’analyser de plus près les productions ivoiriennes pour déceler les recettes de leurs succès fulgurants ou mitigés. A l’aide donc des outils de l’économie et de l’esthétique du cinéma, cette étude se penche sur la démarche de production incluant la réalisation des séries qui ne manque pas d’originalité même si elle s’apparente trop souvent au saucissonnage (au sens de Georges Méliès) [3].

Confronté à la concurrence renouvelée de la production de l’Afrique anglophone, les films ivoiriens sont en quête d’identité et cherchent les voies d’un regain de compétitivité. L’Economie du cinéma offre un cadre conceptuel pour étudier le jeu des acteurs en présence et pour analyser les enjeux, les options, les déploiements et les conditions de mise en œuvre de leurs stratégies. Elle permet de mieux comprendre le fonctionnement de la filière cinématographique et audiovisuelle en traçant ses principales perspectives dans une période de recomposition industrielle et de bouleversement technologique.

Quant à l’Esthétique, plusieurs objections ont été faites contre une science du goût, une philosophie de l’art, une technique de la sensibilité. Mais Hegel dès les premières pages de son Esthétique, démontre avec netteté qu’une telle objection n’est pas fondée. Car s’il n’y avait pas d’art ni de beauté, mais des arts, et des choses belles aussi variées et différentes les unes des autres que possible, il est bien évident que l’esthétique ne serait pas une science. Ce qui doit servir de base disait Hegel, ce n’est pas le particulier, ce ne sont pas les particularités, les objets, les phénomènes, etc., particuliers, c’est l’IDÉE (D. Huisman, 1992, 20). Que l’on comprenne bien qu’il s’agit beaucoup moins de la Beauté d’un objet en soi que de la réflexion sur un objet d’une rare laideur, comme d’une extrême splendeur. Il y a vraiment quelque chose de commun, à l’amphore et à la cathédrale, au retable et à la sonate, au dessin animé et à la tragédie, c’est le moment de l’élaboration (op. cit., p. 20).

Ma famille et Ma grande famille de Akissi Delta, Invisibles de Alex Ogou, Deux couples un foyer de Bah Noël et National Security d’Angoua Enderson dit Andy Melo servent de corpus à cet article. Dans les séries télévisées ivoiriennes, la Réalisation tiraillée entre originalité et saucissonnage est à la base de séries « Pancartes » noyées dans le drame social et le politiquement correcte (I). De plus, les facteurs combinés d’une création saucissonnée et mécanique sont les « chaînes » d’une économie lente amplifiées et exacerbées par la compromission des petits budgets et « l’apprentissage sur le tas », démons d’une visualisation esthétique limitée (II).

1. La Réalisation des séries télévisées ivoiriennes. Entre originalité et saucissonnage

L’originalité est le caractère que présente une œuvre lorsqu’elle porte l’empreinte de la personnalité de son auteur. Elle se distingue de ses copies, contrefaçons et des œuvres dérivées. Une telle œuvre possède un style et une substance unique. L’originalité ici n’est pas à confondre avec l’authenticité qui est le caractère de ce qui est authentique, dont l’exactitude, l’origine est incontestable, établie, exact, véridique. L’originalité s’oppose dans notre étude au saucissonnage qui consiste à morceler, saucissonner, hacher. Le saucissonnage en effet, est plus une démarche technique qu’artistique. Il procède de la répétition inlassable des mêmes gestes transformant une démarche éminemment artistique et personnelle en processus artisanal.

Les séries ivoiriennes dans leur ensemble ont une approche originale des récits portés à l’écran. Pourtant, elles souffrent de l’absence d’un projet idéologique et d’élaboration à visée esthétique.

1.1. De l’originalité dans Ma famille au saucissonnage dans Ma grande famille
Si la délicatesse de l’exercice d’adaptation semble « rebuter » pour l’instant les réalisateurs africains en ce qui concerne principalement les œuvres romanesques, il existe pourtant, dans le cinéma africain un phénomène d’appropriation ou de réappropriation de récits déjà existants. De nombreuses œuvres filmiques africaines en effet, sont des adaptations de légendes et récits oraux.

Bien que soigneusement dissimulés dans des histoires modernes fortement saupoudrées d’artifices théâtraux, la série télévisée Ma famille  [4] se construit à partir et autour de récits mythiques oraux négro-africains qui ont bercé l’enfance de l’auteur et qui sont solidement ancrés dans son subconscient. C’est le pouvoir contenu dans ces mythes qui parle à « l’inconscient collectif » (au sens de Carl G. Jung) [5] des Africains induisant leur jugement esthétique. Ma famille est un film très populaire dans le monde du cinéma et de la télévision de l’Afrique subsaharienne. Cette série-feuilleton, puissamment métaphorique est un récit émaillé, truffé de symboles qui ne se laissent déchiffrer que par les initiés. Ainsi, le mythe glorieux de la femme africaine se trouve conté sous forme de symbole à travers une histoire aux allures modernes (A. J.-B. Boni, 2015, 1). La femme africaine y est dépeinte comme une Reine-guerrière et une déesse africaine qui saura panser les maux de cette Afrique aliénée et lui redonner espoir en un avenir radieux (op. cit., p. 1). Loukou Akissi Delphine, à la manière d’un conteur négro-africain rompu à son art, recrée l’ambiance chaleureuse des villages africains (idem, p. 1). A Abidjan se tient un grand Kotéba, auquel chaque personnage participe selon son inspiration avec un dialogue et des gestes aux couleurs locales (ibidem). Dans cette série ivoirienne, une crise sociopolitique a secoué la Côte d’Ivoire de 1999 à 2010 traumatisant tous les habitants. L’odeur pestilentielle de cette violence inouïe a envahi Loukou Akissi Delphine, la plongeant dans un dilemme : dénoncer envers et contre tout avec la certitude de mourir en martyr ou alors s’enfermer dans le mutisme. Tétanisée par la peur de l’inéluctabilité d’une mort violente frappant à l’aveugle au quotidien dans les rues de son pays, Ma Famille, son œuvre cinématographique, est de prime abord, le choix du silence. Comme les trois sculptures du singe, elle ne voit rien, ne dit rien et n’entend rien. Cette série traite de sujets anodins pendant que la Côte d’Ivoire sombre dans le chaos. Ma famille est fille de la crise sociopolitique de ce pays qu’elle restitue de bout en bout involontairement et en filigrane grâce au mécanisme de défense qui est le déni freudien de la réalité (A. J-B. Boni, 2016, p. 1).

Malheureusement, Ma famille porte aussi en elle, les germes de la lassitude et de la désaffection programmée des téléspectateurs. Les digressions et les collages à motivations nulle parasitant le récit s’accroissent au fur et à mesure que la narration se déploie. Entre autres, l’épisode du mariage de Delta et de Bohiri traîne en longueur, même si les situations sarcastiques et drôles trompent l’ennui. Le foisonnement des personnages qui entrent et sortent sans motif valable, démontrent l’essoufflement de ce qui fait la popularité de cette fiction : la combinaison savante de la thématique du mariage (thème universel) et du jeu intuitif des comédiens soutenu par un dialogue profondément africain.

Sans critique et autocritique objectives, la pratique audiovisuelle de la réalisatrice a évolué reproduisant et sclérosant les « faiblesses » techniques et artistiques de la série culte Ma famille. L’exemple symptomatique est Ma grande famille de la même réalisatrice diffusée en 2019. Parfait avatar de Ma famille, cette production paradoxalement, en reprend les défauts sans intégrer les atouts du chef-d’œuvre. Ma grande famille ne respecte pas les règles scénaristiques de base et souffre d’une absence complète de diégèse discernable et crédible. La série est une succession chaotique de pitreries et bouffonneries, sans projet de réalisation et de postproduction. Delta plonge le cinéma ivoirien dans les décombres archaïques de l’audio-visuel ancestral avec une incroyable médiocrité (A. Double, 2019, p. 1).

La critique relativement enflammée de cet internaute n’est pas isolée. Ma grande famille suite annoncée de Ma famille, reconduit la thématique du mariage et des tiraillements interminables entre belle-mère et belle-fille, toute chose déjà vu et revu dans la version précédente. Bohiri est toujours un trousseur de jupons patenté quand Oupoh son neveu continue de lui fournir des filles. Qu’en est-il de l’évolution des enfants et petits-enfants de ce couple mythique déjà physiquement vieux (Bohiri et Delta) ? Les thématiques du mariage et des soubresauts dans les foyers africains ne seraient pas galvaudés dans la série si elles avaient bénéficiés d’un traitement distinct et original. Par contre le foisonnement des histoires, des trajectoires et des personnages finissent par étourdir même le téléspectateur le plus attentif [6].

Sur le plateau de Blick Punk cinéma [7], Delta justifie le foisonnement des personnages dans sa série par sa volonté de donner du travail au maximum de comédiens. Elle leur donne ainsi une visibilité qui leur permettra à coup sûr de décrocher de nouveaux contrats grâce à leur performance. Si sa motivation est louable et son initiative à encourager, il faut reconnaître tout de même que les nombreuses histoires parallèles parasitent fortement l’histoire principale qui au bout du compte est indiscernable. Quel humanisme africain porte une telle série dont l’humour, pourtant recette imparable dans Ma famille, a du mal à dérider même le téléspectateur le plus fanatique ?

Avec Invisibles, National Security et Deux couples un foyer, la question de l’enferment esthétique avec ses relents idéologiques devient plus prégnante.

1.2. Les séries « Pancartes ». L’originalité noyée dans le drame social et le politiquement correcte
Invisibles est la série événement de Canal+. Ce show télévisé est une création originale à la production 100% africaine qui se déroule en Côte d’Ivoire et qui traite des « microbes », ces jeunes délinquants ultra-violents qui sèment la terreur dans certains quartiers d’Abidjan. C’est la première fois qu’une série de cette envergure se penche sur ce phénomène de société qui est apparu suite à la crise postélectorale de 2011 en Côte d’Ivoire.

Chaka et sa grande sœur Hadjara décident de quitter leurs parents endettés. Pour survivre, la jeune fille trouve un travail, mais Chaka, trop jeune pour travailler, est séduit par son ami Timo qui lui présente Kouess, un chef d’une bande. Malgré les supplications de sa soeur, Chaka se laisse initier par Timo et Kouess au vandalisme et à la violence. Chaka s’efforce de se forger une réputation de caïd sans pitié. Mais son ambition lui attire les foudres de Kouess qui n’acceptent pas ses fréquentes insubordinations. Alors qu’Hadjara tente de sauver son frère de la délinquance, une lutte impitoyable est lancée entre Chaka et Kouess.

Cette série est indéniablement originale parce que traitant d’un phénomène de société très actuel en Côte d’Ivoire jamais portée à l’écran. Invisibles est une série audacieuse et puissante, rehaussée par la qualité de la musique signée Arnaud de Buchy et les moyens importants déboursés pour crédibiliser les scènes. Son succès n’est donc pas une surprise et tous les réseaux sociaux ivoiriens l’on même plébiscité en organisant virtuellement les funérailles de Timo avec en prime, la création de tee-shirts et de pagnes à l’effigie de l’illustre disparu. Cet engouement exprimé de manière ironique est un trait de caractère d’un peuple qui a connu les affres de la guerre et qui souffre au quotidien de ses effets pernicieux en occurrence la barbarie innommable des « microbes ».

Malheureusement, force est de constater qu’Invisibles n’est ni plus ni moins qu’un drame social sommairement noir qui informe juste de l’existence d’un fléau sans avoir le courage de le traiter de sorte à permettre au peuple résidant en Côte d’Ivoire de vivre une véritable catharsis au sens plein du terme. Ici intervient le politiquement correcte et si cette série séduit et séduira le reste du monde, pour l’ensemble des Ivoiriens, elle laisse plus de questions en suspens et contribue à n’en point douter à accroître la frustration de ce peuple. Pourquoi la police est-elle impuissante face à ce phénomène dont les manifestations sont visibles, puisque les microbes dans la vraie vie comme dans la série opèrent de jour et à visage découvert ? Quelles sont les implications politiques de ce fléau soupçonné à tort ou à raison d’être le bras séculier, l’organe d’exécution de sombres ordonnateurs ?
Le cinéma tout comme la littérature est le miroir du peuple. Même si nous restons convaincu que le but premier d’une œuvre artistique n’est ni de donner des réponses, ni de proposer des solutions, nous sommes cependant fortement attaché à la fonctionnalité de l’art en Afrique (au sens de Senghor) [8]. Cette série de toute évidence pouvait viser mieux que « l’art pour l’art ». Le recule ou le refus d’Invisibles même dans l’imaginaire à donner une tentative de réponse à ces questions et à bien d’autres dénote de l’abandon d’un peuple aux abois par ses artistes, ceux-là même censés être « la voix des sans voix ». Les habitants de Côte d’Ivoire contrairement au reste du monde ne connaissent que trop bien le phénomène des « microbes » et sont en droit d’attendre plus qu’une version docu-fiction, une série « pancartes ». D’une part, je ne veux pas faire un cinéma de pancartes ; d’autre part, je ne pense pas qu’il soit possible de changer une situation donnée avec un seul film (S. Ousmane, cité par H. Guy, 1968, 5-6). L’irresponsabilité des parents et la précarité de la vie poussent quotidiennement à la délinquance juvénile. Le prétexte est donc tout trouver pour faire une incursion dans un monde de violence et le monde des « microbes » n’est pas le seul. Alors, pourquoi le choix idéologique de cette mise en scène si c’est pour s’arrêter en si bon chemin et montrer la Côte d’Ivoire comme une terre sans foi ni loi, un territoire d’exception où les problèmes sociaux sont des nébuleuses portées en étendards ?

Dans la catégorie de la quête tout azimut du sensationnel, du fameux « jamais fait » et des séries « Pancartes », Invisibles n’est pas la seule à concourir. Si la tentation est grande d’avancer que les « chaîne » d’Invisibles sont dues au fait que Canal + international ne veut pas par ses productions s’immiscer dans la gestion des affaires des Etats africains indépendants, que dire donc de National Security une production de Hollywood Academy de Andy Melo, soutenue et diffusée par la Radiodiffusion Télévision Ivoirienne, première chaîne (RTI 1) ? National Security est une série ivoirienne tournée à l’américaine, réalisée et scénarisée par Andy mélo. Elle porte aussi sur les questions d’insécurité.

Au regard de l’insécurité grandissante qui règne dans le pays, le gouvernement décide de créer une police sécrète. Cette unité spéciale est une fusion d’anciens gangsters, militaires, hackers et des meilleurs agents issus d’unités d’intervention. L’expérience des uns et des autres est mise à contribution pour traquer les bandits. Sous la supervision de chef Bailly, la National Security va s’en prendre à toutes les formes de banditisme : braquages, cybercriminalité, kidnapping, viols, trafics de drogue, enlèvements, assassinats, corruption, escroqueries, etc. Elle aura même la responsabilité d’intervenir sur des missions hors du pays au nom de la sécurité nationale. D’un budget de cinquante millions (50 000 000) F Cfa (I. Konan, 2016, 1), ce film compte vingt-six (26) épisodes de vingt-six (26) minutes chacun.

Parfait avatar de la série américaine culte 24 heures chrono, National Security est originale par les nombreuses astuces de trucages mises en avant. Plaisante dans l’absolu, elle traîne néanmoins des relents de faux genre coincée entre le film policier, le film de guerre et le drame social. En outre National Security pèche aussi par sa volonté irréaliste de présenter un service gouvernemental africain à la pointe de la technologie. Pour le téléspectateur qui se laisse distraire par les péripéties du groupe d’intervention et c’est le but, la désaffection vient du fait qu’il a l’impression dans le contexte africain d’assister à une parodie de science-fiction s’il ne conclut pas à une copie plate et sans saveur de 24 h chrono. De plus, il y a un brin d’ironie et quelque chose de pernicieux dans l’expression « tournée à l’américaine ». Cette série ne vaut donc-t-elle que par ses techniques de tournage ?

Deux couples un foyer n’a pour elle ni plus ni moins qu’un beau décor, des costumes somptueux et un maquillage frais, tout élément distinctif de la série « pancartes ».
La réalité de l’économie lente du monde de l’industrie cinématographique et audiovisuel, le « salaire » de la compromission du petit budget induisant l’urgence et « l’apprentissage sur le tas » sont les démons à la base d’une création saucissonnée et mécanique.

2. Les facteurs combinés d’une création saucissonnée et mécanique

Un film de cinéma ou une série constitue à la fois une œuvre d’art et un produit fabriqué. Chacune de ces deux composantes représente un processus d’élaboration et de transformation particulier. Elles se traduisent, par exemple, par des droits différents : le producteur est le propriétaire du négatif et des droits d’exploitation, l’auteur, pour sa part, reste le propriétaire « moral » de l’œuvre, sans l’accord duquel aucune transformation ou modification n’est possible. Du point de vue strictement économique, l’industrie cinématographique s’organise donc essentiellement autour d’une structure de production (l’élaboration des films), d’une distribution (les grossistes) et d’un marché de détaillants qui organisent la rencontre entre les spectateurs et les films. Cette rencontre s’opère dans les salles de cinéma, par cassette vidéo ou sur des écrans de télévision. Chacun de ces différents segments possède sa propre économie et sa propre dynamique ; ce qui explique le caractère paradoxal de certaines tendances que connaît l’ensemble de la filière cinématographique et audiovisuelle.

Depuis presque deux décennies et à la faveur du numérique, l’économie des séries en Côte d’Ivoire est marquée par un paradoxe : une production de films en pleine augmentation avec un investissement de plus en plus accru. Les spectateurs affectionnent les séries mais ne se détournent pas pour autant des salles obscures [9] et leur besoin d’images et de films représente une opportunité extraordinaire pour les producteurs et les techniciens dans leur ensemble. Pourtant l’industrie elle-même est inexistante sinon baignant encore dans l’informel avec une économie plus que lente et un manque de professionnalisme des acteurs qui finit par déteindre négativement sur l’esthétique des films proposés.

2.1. Les « chaînes » d’une économie lente amplifiées par la compromission des petits budgets
Dans le courant du mois d’Octobre 2019, le Bureau Ivoirien des Droits d’Auteur (BURIDA) a distribué des chèques à tous les artistes ivoiriens (chanteurs, cinéastes etc.) qui ont une œuvre déclarée. Ce partage de manne financière (une fois l’an) s’est produit cette année, pendant que les sociétaires du BURIDA sont toujours en justice contre la direction pour problème de gouvernance et de mauvaise gestion. Si la paie des droits d’auteur est normale et même banale, son intervention dans un contexte de crise fait dire aux mauvaises langues qu’elle a pour but de museler les plus farouches contestataires qui ont organisé à maintes reprises des mouvements de rue allant même jusqu’à interpeller vigoureusement le Ministère de la culture et de la francophonie. La situation est d’autant plus sérieuse qu’il s’agit ici pour les cinéastes auteurs (et tous autres artistes) de retour sur investissement. Pour A’Salfo, artiste musicien, le problème fondamental, porte sur l’organisation des droits d’auteurs, depuis le recouvrement jusqu’à la distribution. Car, l’organisation actuelle ne peut pas permettre à cette instance de mieux organiser les droits d’auteurs.

A la réalité, en dehors des responsables du BURIDA, aucun artiste ne sait véritablement sur quelle base le calcul des droits est fait. Pire, pour les cinéastes ivoiriens seuls les films diffusés sur les chaînes ivoiriennes sont rétribués puisqu’à ce jour aucun accord n’existe entre les chaînes étrangères et le BURIDA. Dans l’espoir de bénéficier de ses droits d’auteur pour ses films sur A+, Bah Noël, cinéaste ivoirien, est inscrit à la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques de France (SACD) comme bien d’autres.

L’économie lente est en partie amplifiée par ce phénomène. De plus, les séries ivoiriennes sont sous payées par les chaines de télévision locales. Officiellement la RTI paye l’épisode d’une série à cent soixante-quinze mille FCFA pour les diffusions du lundi au vendredi à 11 heures et trois cent mille F CFA pour les diffusions de mercredi et dimanche après le journal télévisé de 20 heures. Ces achats concernent une diffusion de la série entière et une rediffusion, soit quatre millions cinq cent cinquante mille F CFA ou sept millions huit cent F CFA, si l’on calcule ce montant sur la base de 26 épisodes de 26 minutes (26x26). Il faut ici insister sur le fait que ces coûts sont à négocier énergiquement. L’on comprend alors pourquoi les producteurs ont des séries de longueur interminable (Ma grande famille 469 x 26, Deux couples un foyer 104 x 26, Nafi 104 x 26 [10], etc.).

Dans leur grande majorité, les producteurs ivoiriens sont en même temps des réalisateurs aux fins de cumuler les droits d’exploitation et les droits d’auteurs. Sachant que les droits d’auteur sont hypothétiques, ils rallongent les séries pour accroitre leur gain à l’achat. Il faut préciser que les chaînes de la sous-région signent des contrats d’exclusivité avec les productions, les empêchant ainsi de revendre le film à une autre télévision pendant qu’il est en diffusion et en rediffusion. Ces contrats courent jusqu’à huit mois au moins. Et puisque toutes les chaînes nationales sont sur des bouquets internationaux, après une diffusion et une rediffusion, il devient difficile de revendre le film.

Au-delà, Invisibles de TSK Studios est la toute première série d’Afrique francophone au format 52’ (le format le plus adapté à une diffusion internationale) avec dix épisodes. Le Coût de production estimatif en dollars américain est de trois cent trente-cinq mille, soit cent soixante-sept millions cinq cent mille F CFA, acquis sur le Fonds Image de la Francophonie, à hauteur de seize millions sept cent cinquante mille francs F CFA par épisode. Cette série a le prix unitaire de production par épisode le plus élevé puisque le producteur Pape Touré Karamoko a précisé à Blick Punkt cinéma qu’il a produit chaque épisode approximativement à cinquante millions de francs CFA, en incluant sa côte part de coproducteur. Son expérience est à isoler puisqu’en réalité ce montant par épisode, largement en dessous des standards européens, représente le coût global de production d’une série ivoirienne.

National Security (26 x 26) a un budget de cinquante millions F CFA soit un million neuf cent vingt-trois mille soixante-dix-sept F CFA par épisode. En réalité ce montant est celui avancé par la RTI engagée sur des projets de série selon le modèle économique suivant : préachat, coproduction et distribution internationale. Ce modèle économique est le même pour toutes les chaînes de l’industrie des séries en Côte d’Ivoire. Idéalement dans les accords de coproduction, la maison initiatrice du projet doit apporter les 50% restant, soit cinquante millions de francs CFA dans le cas de National Security de Hollywood Academy. Mais la réalité est tout autre : sans l’aide du Fonds de soutien à l’industrie du cinéma de Côte d’Ivoire (FONSIC) et sans soutien d’aucune autre Institution de financement Hollywood Academy n’a pas eu la patience et/ou le réflexe de postuler par exemple pour les fonds de l’OIF [11] ou d’activer les accords de coproduction entre la Côte d’Ivoire et le Maroc (Y. N’Dri, J.B. Boni, 2018, 1). Les banques commerciales du pays sont exclues de l’équation car elles accompagnent difficilement les projets cinématographiques. La série est produite exclusivement grâce au montant de la RTI. Si on retire de ce montant toutes les pénalités de tractation sous les tropiques et l’équipement en matériels de tournage et de postproduction non inscrit au budget que reste-t-il pour le film [12] ?

Ma grande famille, produite par A+, élargit la famille avec de nouveaux personnages, de nouveaux acteurs (dont KRA Kobenan Kouman Ignace, dit « Agalawal », et BAH Jacques Sylver, dit « le Magnific ») et de nouveaux décors (Sénégal, Mali, Burkina Faso, Togo, Bénin et Niger). Le budget de la série est estimé à un milliard de francs CFA, subventionné par l’État ivoirien à hauteur de cent millions de francs CFA soit un épisode produit à deux millions cent trente-deux mille cent quatre-vingt-dix-sept CFA. Que représente ce montant dans une production qui doit sillonner toute l’Afrique de l’Ouest, avec obligation d’embaucher une équipe panafricaine ?

Voilà toute l’ampleur de la compromission des petits budgets qui induit les longueurs interminables des séries. Ces deux phénomènes ne sont pas sans effet sur la qualité du scénario, de la réalisation et de la postproduction des séries.

2.2. Le « salaire » de la compromission du petit budget et « l’apprentissage sur le tas », démons d’une visualisation esthétique limitée

Tous les pionniers, ceux qui ont fait les beaux jours du cinéma ivoirien, de Désiré Niamkey Ecaré [13] à Henri Duparc [14] et à Yéo Kozoloa [15], ont suivi une formation en cinéma.

Il est difficile d’en dire autant des cinéastes de la « génération Ma famille  ». « La grande majorité a « appris sur le tas » et paradoxalement, ils semblent tous fiers de le clamer haut et fort. Pour ma part, je me suis formé seul à mon métier et c’est par passion que j’ai pénétré le monde de l’audiovisuel et du cinéma. De l’écriture de scénario à la recherche de financement et la réalisation, j’ai appris sur le « tas » ces différents métiers afin d’intervenir à tous les niveaux du processus de création » (J.B. Bah, entrevue, 2019).

Angoua Enderson dit Andy Melo a connu un parcours similaire à celui de Bah Noël. Après deux échecs au Baccalauréat, ce jeune cinéaste entrepreneur a regagné Abidjan, multipliant les « petits boulots » avant de créer à force d’abnégation et de passion sa structure Hollywood Academy, maison de production et école d’actorat. Il affirme à son corps défendant avoir assisté trois réalisateurs ivoiriens. Ce qui l’autorise à devenir réalisateur.

Malheureusement ces derniers réalisateurs eux-mêmes ont aussi « appris sur le tas ». Ne se réclamant d’aucun cinéaste ayant fait une école de cinéma, ils ont essentiellement appris en regardant les films étrangers et en s’informant sur le net (J.-B. A. Boni, 2017, 393). Quant à Delphine Akissi Loukou – femme jamais scolarisée, formée à l’école de l’acteur et humoriste Léonard Groguhet – elle fait figure de pionnière du renouveau audiovisuel en Côte d’Ivoire, grâce à sa détermination et au succès de sa série télévisée Ma famille. Pourtant, elle aussi n’a bénéficié d’aucune autre formation entre sa première série à succès et la seconde.

Alex Ogou, lui, abandonne ses études d’anthropologie, et s’installe à Montpellier pour suivre des études de cinéma. Intéressé par les techniques du cinéma, il enchaîne différents métiers comme assistant-réalisateur, cadreur, monteur ou directeur de production. C’est Pape Touré Karamoko (Directeur général de Tsk studios et producteur de la série Invisibles, titulaire d’un diplôme d’art dramatique à Rio de Janeiro) qui le recrute depuis la France. Désormais revenu au pays, Alex Ogou est nommé directeur artistique de Tsk. Il développe le projet Invisibles avec Aka Assié comme coscénariste.

Au-delà de Pape Touré Karamoko et Alex Ogou, on note une certaine irrégularité professionnelle du côté des animateurs privés. Le secteur audiovisuel et cinématographique ivoirien est le monde des « premiers », des « uniques » et des « seuls ». Ces expressions truffent en effet le discours des producteurs, des acteurs, et des techniciens, pour déteindre sur leur démarche et la qualité de leurs travaux qui la critique. Comme le souligne J-B. A. Boni, la porosité des formations est aggravée par le désert de la critique (op. cit., p. 393).

Invisibles, au final, c’est six mille (6000) repas distribués, mille (1000) figurants, cinq (5) mois de tournage, quinze semaines de montage, une musique élaborée composée par Arnaud de Buchy pour traiter un sujet sensible qui raconte l’histoire de Chaka campé par Ali Cissé quatorze ans, en classe de 4e au Collège Iris d’Abobo au moment du tournage. Auréolé du prix de la meilleure fiction francophone étrangère à la 20e édition du festival de la fiction TV de la Rochelle en 2018, cette série a remporté le prix de la meilleure série en développement pendant « Les Trophées Francophones du Cinéma » 2015 (Abidjan) et le grand prix (série TV) au marché de l’audiovisuel Discop 2016, dans une compétition de Pitching (Abidjan). Fort de tous ses lauriers et rehaussé par un décor adapté, un casting acceptable, un maquillage excellent et une postproduction crédible, Invisibles, tout comme tous les autres films du corpus demeure cependant une production ivoirienne avec des faiblesses typiques dû à un enfermement esthétique.

Du point de vue des scénarios, tous les personnages principaux vivent en effet leur récit respectif sans but dramatique réel [16] et très souvent phagocytés par les personnages secondaires [17]. Dans Invisibles que veulent réellement devenir Chaka, Timo et Hadjara ? Certes, Chaka finit par devenir un caïd mais pour quoi faire ? Timo est déjà un caïd à l’entame du récit sans plus. Hadjara cherche à sortir son frère de la délinquance mais que veut-elle pour elle-même ?

Même si Loukou Akissi Delphine a le mérite de créer des personnages idéologiquement et culturellement marqués [18] , que veulent devenir Delta et Bohiri dans Ma famille et Ma grande famille, sinon une femme respectueuse et respectable au foyer, ou un éternel don juan pour l’autre personnage campé par le second ? Ce qu’ils sont d’ailleurs dès l’entame la première saison.

Au-delà du vœu (insuffisamment fondé) de deux amis intimes Stéphane et Bastien de partager la même maison avec leurs épouses Astrid et Audrey, que veulent les deux couples en fondant un même foyer ? En dehors d’être des agents du gouvernement luttant contre le crime, que cherchent individuellement chaque membre de National Security  ? On ne le saura jamais.

Cette faiblesse du but dramatique déstabilise aussi la tension dramatique même si les récits regorgent de quantité d’intensité dramatique [19]. En outre, les scénaristes tout le long du scénario ne renseignent pas sur la vie passée [20] des protagonistes, même si l’on tente de le deviner grâce à des brides d’évocations et des répliques non imagées. Ces renseignements demeurent malheureusement de simples évocations et n’interagissent pas avec leur nouvelle vie. Cette absence d’interaction empêche de savourer et de mesurer véritablement l’évolution de ces personnages principaux [21].
Les portraits des personnages principaux dans les scénarii ivoiriens, sur la base d’une absence de but dramatique et de changement notable de statut, s’avèrent hélas ! une transgression infructueuse, puisque par définition le protagoniste est toujours « dynamique ». Et le changement en lui-même est une constante universelle de la vie, si le protagoniste évolue, cela crée une courbe dramatique comportementale qui ajoute une nouvelle dimension à sa vie. Presque tous les livres dédiés à l’écriture scénaristique sont unanimes sur le fait que le personnage principal doit passer par des transformations émotionnelles : du rire aux larmes, des larmes à la peur, de la peur à l’espoir, de l’espoir à l’angoisse, surtout de l’innocence à l’expérience. Un personnage principal qui reste du début à la fin du récit sans transformation émotionnelle devient très rapidement ennuyeux et sans intérêt. Sembène Ousmane disait : « Je crois […] Si nous prenons le cinéma américain comme modèle de référence, les grands scénaristes étaient des hommes de lettres » (cité par O. Diop, D. Charles, 1993, 2). Le développement technique du cinéma africain est incontestable, mais au niveau du scénario, il reste beaucoup à faire (op cit., p. 3). Actuellement, les cinéastes africains ne sont pas des scénaristes (idem, p. 3). Ils connaissent la technique, ils maîtrisent les mouvements de caméra, mais comme scénaristes c’est zéro ! (ibidem, p. 3). Voilà la faiblesse actuelle du cinéma africain mais dans les années à venir, les choses vont changer (ibidem, p. 3). Pour le moment, on assiste à une réalisation majoritairement en cinq plans : le plan d’ensemble, le plan rapproché poitrine, le gros plan et le champ contre champ. Rare sont les mouvements de caméra, les très gros plans, les angles de prise de vue et les plans subjectifs. Ces plans éminemment psychologiques qui permettent de décrire les personnages de l’intérieur, accentuant grâce à une musique adéquate l’adhésion et la projection du spectateur pour une catharsis. Que dire des montages des différents films ? Inondés de plans de coupes sans valeurs sémantique, sémiologique, ni descriptive, ils sont un bout à bout sans réel apport esthétique d’une réalisation arcboutée aux scénarios.

Conclusion

Une belle-mère trop présente dans le foyer de son fils Bohori préoccupé à courir toutes les filles d’Abidjan en dépit de son grand amour pour sa femme Delta, femme africaine modèle, est le récit principal de la première saison de Ma famille. Le succès phénoménal de cette série ivoirienne confirme le Nobodyknows, règle sacro-sainte de l’économie du cinéma qui proclame que personne ne sait d’avance si un film va marcher ou pas. Pourtant Ma famille, plombée par ses nombreuses digressions parasitant le récit principal, semblait handicapée par son caractère théâtral, accentuée par la non maîtrise des personnages déjà trop nombreux avec des disparitions incontrôlées et injustifiées.

Si l’originalité de cette série tient de la combinaison savante de la thématique du mariage (thème universel) et du jeu intuitif des comédiens soutenu par un dialogue profondément africain, sa réédition dans Ma grande famille , décriée par la majorité des internautes, en a fait un récit galvaudé et sans saveur, noyé définitivement sous un flot de décors disséminés dans toutes les capitales de l’Afrique de l’ouest avec son corollaire de diégèses indiscernables et de flopée de personnages sans parcours approprié.

Cette deuxième saison sans véritable projet idéologique et esthétique est un film « pancartes », à l’instar d’Invisibles, National Security et Deux couples un foyer, séries à succès ivoiriennes qui ne manquent pourtant pas d’originalité du point de vue des thématiques sensibles traitées et/ou des techniques « innovantes » de production et de postproductions. Ces séries reposent en effet, sur des scénarios dont le développement inabouti donne à voir des protagonistes sans but dramatique réel et sans changement notable très souvent phagocytés par les personnages secondaires. Ces faiblesses lestées par une réalisation souvent trop facile définie par cinq plans majeurs et un montage encombré de plans de coups inutiles sont la marque de fabrique des séries ivoiriennes engluées dans cet enfermement esthétique induisant l’ennui et la désaffection des téléspectateurs.

Il est important de relever que ces manquements esthétiques et idéologiques sont fils d’un environnement économique marqué par le diktats des maisons de télévisions coproductrices des séries accentué par le laxisme du Bureau ivoirien des droits d’auteurs (BURIDA) censé garantir avec équité les droits des créateurs.
Face à une économie exagérément ralentie, un financement inadapté et un silence inexpliqué des politiques, les producteurs de séries télévisées ivoiriennes, pour échapper à la précarité, se compromettent avec les petits budgets et s’adonnent au saucissonnage par la fabrication de séries visant à garantir des droits d’exploitation.

Bibliographie

1. Corpus (séries ivoiriennes)
Akissi Delta, Ma famille, 600 épisodes, 2002
Akissi Delta, Ma grande famille, 469 épisodes 2019
Alex Ogou, Invisibles, 10 épisodes 2018
Andy Melo, National Security, 26 episodes 2017
Bah Noël, Deux couples un foyer, 104 épisodes2017

2. Ouvrages
Creton Laurent, Economie du cinéma. Perspectives stratégiques, Paris, Armand Colin, 2014.
Huisman Denis, L’esthétique, Paris, P.U.F, 1992.
Senghor Sédar Léopold, Liberté 1. Négritude et humanisme, Paris, Le Seuil, 1964.

3. Articles
Boni Assié Jean-Baptiste, « Le déni freudien de la réalité de la crise sociopolitique ivoirienne dans Ma famille de Loukou Akissi Delphine », in Revue de littérature et d’esthétiques négro-africaines, Abidjan-Cocody, 2016, p. 136-151.
Boni Assié Jean-Baptiste, « Cinéma et audiovisuel en Côte d’Ivoire (2002-2018). Une aventure ambiguë », in Afrique contemporaine, 2017, p. 385-403.

4. Webographie
Boni Assié Jean-Baptiste, « Ma famille de Akissi Loukou Delphine. Entre actualisation et réitération du mythe glorieux de la femme africaine », in Les Cahiers du Grathel, [en ligne], n° 01– Décembre 2015. Consulté le 18/12/19.
Diop Ousseynou, Charles Danièle, « Entretien avec Sembène Ousmane », in Ciné-Bulles. « Le cinéma d’auteur avant tout »,[en ligne], Volume 12, numéro 4, automne 1993. Consulté le 25/12/2019.
Double Arsène, « La série, « Ma Grande Famille » de l’actrice-réalisatrice ivoirienne, Akissi Loukou Delphine, dit Akissi Delta, diffusée, depuis le mardi 15 janvier 2019, sur la nouvelle chaine A+ivoire du groupe Canal+ est sous le feu des critiques sur les réseaux sociaux », in l’observatoire démocratique en Côte d’Ivoire, ODCI [en ligne], 2019. Consulté le 18/12/19.
N’Dri Yao, Boni Jean-Baptiste Assié « Accords bilatéraux de coproduction cinématographique en Côte d’Ivoire. Contextes et pratiques », in Langues, Cultures, Communication -L2C, [en ligne], Volume 2 – n° 1 Janvier – juin 2018. Consulté le 11 Novembre 2019.
Hennebelle Guy cité par Jonassaint Jean, « Ousmane Sembene » [entretien], Jeune cinéma 34, Le cinéma de Sembène Ousmane, une (double) contre-ethnographie, in revue Ethnologies, [en ligne], volume 31, numéro 2, 9 mars 2010. Consulté le 18/12/19.
Ousseynou Diop, Danièle Charles, « Entretien avec Sembène Ousmane », in Ciné-Bulles . « Le cinéma d’auteur avant tout », [en ligne], volume 12, numéro 4, automne 1993. Consulté le 25/12/2019.

Pour citer cet article : Jean-Baptiste Boni Assié, Yao N’Dri, « Productions audiovisuelles et esthétique. Les séries télévisées ivoiriennes ou la « malédiction » de l’enfermement esthétique », Revue Oudjat en Ligne, numéro 3, volume 2, Miroirs d’Afriques. Les quotidiens éprouvés, janvier 2020. ISBN : 978-2-912603-94-4/EAN : 9782912603944.

[1La « génération Ma famille », regroupe tous les amateurs et professionnels du cinéma et de l’audiovisuel qui ont débuté leur carrière après le succès de la série Ma famille ou ont, d’une manière ou d’une autre, été révélés et/ou ont connu un réel succès grâce à la production de cette série télévisée.

[2Dans le sillage de ce succès sont produites les séries télévisées Class’A (2005), Nafi (2005), Docteur Boris (2008), Brouteur.com (2010), Le Grin (2012), etc.

[3Même s’il se considère comme un artiste par opposition aux commerciaux, son travail aujourd’hui suranné consistait pour l’essentiel à la répétition inlassable de gestes techniques, d’où l’expression de saucissonnages qu’il utilisait lui-même pour qualifier son travail qui consiste à découper, morceler, hacher les pellicules pour les passer ensuite au service coloriage dirigé par madame Elisabeth Thuillier. Lire François Mazeline, « Mme Thullier nous rappelle… le temps où le cinéma ne manquait pas de couleurs », L’Ami du Peuple (du soir), ‎13 décembre1929. Georges Méliès est considéré comme l’un des principaux créateurs des premiers trucages du cinéma, entre autres les surimpressions, les fondus, les grossissements et rapetissements de personnages.

[4Ma Famille est une série-feuilleton ivoirienne, créée par Akissi Loukou Delphine dit Delta et produite par la maison LAD en 2002. C’est le film le plus populaire de toute l’histoire du cinéma et de la télévision de l’Afrique subsaharienne. Au Gabon en 2008 lors d’une visite, Loukou a créé l’hystérie collective.

[5Les théories du psychologue suisse Carl G. Jung concerne les archétypes : des personnages et des énergies se répétant sans cesse, présents dans les rêves de chacun et les mythes de toutes les cultures. Jung suggéra que ces archétypes révélaient différentes facettes de l’esprit humain, que notre personnalité peut adopter pour jouer la pièce de sa propre existence. Il remarqua une correspondance étroite entre les personnages rêvés par ses patients et les archétypes de la mythologie. Jung émit alors l’hypothèse que les rêves de ses patients et les archétypes de la mythologie provenaient d’une origine plus profonde, l’inconscient collectif de la race humaine.

[6Cinéma : Bonne nouvelle pour Akissi Delta dont le téléfilm « Ma grande famille » sera diffusé en janvier 2019 [en ligne].

[7Blick punk cinéma est une Plateforme pour la critique cinématographique et audiovisuelle africaine organisée par le Goethe-institut d’Abidjan [en ligne].

[8C’est dire qu’en Afrique noire, « l’art pour l’art » n’existe pas. Tout art est social en Afrique noire.

[9Avec près de 15 000 entrées, « Le Gendarme d’Abobo » est désormais le film ivoirien ayant eu le plus de spectateurs. Réalisation et production Anton Vassil. En salle depuis le 1er novembre 2019.

[10Ma grande famille est de LAD production 2019, Deux couples un foyer est de Le groupe scénarii, 2017, Nafi est de Ecla Productions, 2012.

[11Les normes de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) sont jugés trop contraignantes par les producteurs locaux quand les procédures sont très sélectives. De plus, dans le cas précis de National Security, l’argent avancé par la RTI vient de l’OIF.

[12Les tractations dans ce milieu sont monnaie courante. De plus, l’équipement en matériels de tournage pris sur le budget du film est une pratique de tous les producteurs sans exception, le but de cette manœuvre étant de baisser les coûts des prochaines créations.

[13Après avoir obtenu son diplôme, Désiré Ecaré entame une carrière d’acteur au théâtre. Il intègre en 1961 le centre d’art dramatique où il est couronné deux plus tard d’un deuxième prix d’art dramatique et rejoint l’IDHEC. Sa première mise en scène Concerto pour un exil remporte le prix du jeune cinéma à Hyères en 1968.

[14Né le 23 décembre 1941 à Forécariah, Guinée, décédé le18 avril 2006 à Paris, Henri Duparc est un cinéaste ivoirien. Il suit en 1962 une formation à l’institut de la cinématographie de Belgrade (ex-Yougoslavie) et poursuit ses études à l’institut des Hautes Études Cinématographiques de Paris (IDHEC actuellement la FEMIS) de 1964 à 1966. Reconnu comme le maître de la comédie africaine, Henri Duparc réalise en octobre 1969 son premier moyen métrage, qui fera l’ouverture de la 2e édition du FESPACO en 1971, Mouna ou le rêve d’un artiste. L’auteur de « Bal poussière », de « Rue Princesse », et d’« Une couleur café » s’est éteint à Paris, à l’âge de 64 ans.

[15Yéo Kozoloa est un cinéaste ivoirien né en 1950 à Tioro dans le département de Korhogo, en Côte d’Ivoire et décédé le 14 septembre 2008 à Abidjan. Formé à l’Ecole Louis Lumière à Paris, il réalise dès 1976 des courts métrages. Petanqui (1983) et Les trois bracelets (2000) restent ses principaux films.

[16Le paradigme de Syd FIELD et les théories qui en découlent est d’une importance capitale dans l’écriture du scénario. Cette importance n’est pas contestée, même si la « rigidité » de l’ensemble de son paradigme est souvent débattue. Cependant, en ce qui concerne la construction des personnages, catégories fondamentales du récit, tous les théoriciens s’accordent autour de sa profondeur et de sa richesse. Les éléments théoriques que donne Syd FIELD pour construire les personnages principaux et secondaires, bonifient davantage l’esthétique particulière de chaque scénariste et aident en s’en inspirant à mettre en place une diégèse cinématographiquement crédible. Il faut le savoir, toutes les histoires sont belles, mais toutes les histoires ne sont pas des histoires de cinéma, à condition de les réaménager. Le but de cette critique, n’est ni d’américaniser, ni d’uniformiser les scénarii. II s’agit plutôt, en fonction de chaque idéologie et esthétique propre, de chaque inspiration personnelle, d’agrémenter, de donner plus de consistance à cette catégorie du récit, reconnue unanimement fondamentale qu’est le personnage.

[17Par mesure de prudence, on définit le personnage secondaire seulement certains détails de celui-ci pour ne pas qu’il surpasse le protagoniste.

[18Les scénarii de Loukou Delphine recèlent de trésors cachés, notamment l’onomastique et la thématique qu’il va falloir étudier.

[19Le but dramatique c’est ce que le personnage principal veut obtenir ou accomplir. C’est ce qui le fait avancer tout au long de l’histoire. Il peut arriver que le but dramatique d’un récit change. Si le but dramatique du personnage doit changer, c’est ce qui fera l’objet du premier pivot qui est le vrai point de départ de l’histoire. Field Syd, Comment identifier et résoudre les problèmes d’un scénario, Paris, Dixit, p. 142.

[20Pour Field Syd donner un passé au personnage principal permet de comprendre son présent, ses habitudes, ses tics, son langage mais surtout ses réactions futures.

[21Le personnage est l’une des unités principales de l’écriture scénaristique. C’est celui à qui le lecteur/téléspectateur s’identifie, qui lui permet de pénétrer dans le récit. En outre, qu’il soit issu du théâtre, du roman ou du cinéma, le personnage se révèle être l’un des fondements de toute histoire.

 

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[Numéro ISSN : 3005 - 7566]