ACCUEIL » PUBLICATIONS » ANCIENS NUMEROS » L’Afrique dans le XXe siècle. Savoirs, concepts, méthodes et doctrines scientifiques, numéro 3, volume 1, janvier 2020 » Articles de ce numéro
AN = Métamorphoses sociologiques ou renouvellement de la sociologie gabonaise.Placide Ondo, La sociologie qui interroge les autres sciences sur leurs fondements sociaux ne peut, elle-même, se soustraire à cette mise en question. C’est par ce principe que nous convoquons la pratique sociologique au Gabon pour tenter d’évaluer les modalités de son inscription dans les savoirs de l’Afrique au XXème siècle. Cette réflexion de la sociologie sur elle-même se fera en visitant sa production scientifique à partir de l’interrogation suivante ; quelle(s) expérience (s) la pratique sociologique livre-t-elle depuis l’institutionnalisation de cette discipline au Gabon ? L’analyse s’intéressera aux types d’expériences et d’activités mis en jeu dans la recherche. On tentera par la suite de dégager les procédures de recherche et, au travers de celles-ci, les rapports entretenus avec les objets. Les logiques qui s’en dégagent traduisent-elles une expérience unique susceptible de constituer une tradition nationale ? Si oui, la pratique sociologique a-t-elle résisté aux assauts des réalités sociales imposées par des situations sociohistoriques différentes ? Si non, quelles sont les lignes de fracture qui rendent compte des transformations de la pratique sociologique et quels en sont les déterminants sociaux [1] ? La réflexion nous conduira d’abord à nous intéresser aux objets et à leur construction. Puis, nous verrons les implications méthodologiques. 1. Des objets institutionnels aux objets « banals »La sociologie gabonaise se divise en deux grandes tendances : la sociologie qui s’intéresse aux objets institutionnels et celle qui défriche les objets « banals ». La première, la plus ancienne, conçoit ses objets dans un double héritage colonial et postcolonial alors que la seconde se développe à partir des années 2000 en explorant le quotidien. 1.1. La sociologie des objets formels ou institutionnels La décolonisation a apporté avec elle deux impératifs, conformément à la Conférence de Brazzaville de 1944 : « La formation d’une élite. Elle conduit, en 1970, à la création de l’Université Nationale Gabonaise (UNG) rebaptisée Université Omar Bongo, et l’institutionnalisation de la sociologie avec notamment la création d’un département de sociologie. - La construction de la Nation et l’exigence de développement. Il s’agit de doter le pays d’institutions qui assurent le fonctionnement de l’Etat et affranchissent les citoyens des particularismes afin de cultiver le sentiment national. En même temps, le Gabon doit s’engager dans les équipements collectifs et les investissements économiques, conformément à son deuxième et troisième plan de développement économique et social. En un mot, les questions économiques et de développement prennent une place particulière dans ce contexte de décolonisation (1960-1970). Ce qui va d’ailleurs donner naissance à une branche de la sociologie : la sociologie du développement, dont l’existence est considérée comme problématique » (A. Guichaoua, Y. Goussaut, 1993, 91 ; S. Sigal, 1982, 397 ; J. Copans, 2006, 8). Ces impératifs ne seront pas sans incidence sur la recherche, car les travaux des premiers étudiants du département de sociologie envoyés en France pour des études doctorales, soutiendront leurs thèses dans les années 1980 sur des thématiques en rapport avec le développement du pays. L’intérêt pour des objets formels ou institutionnels est affirmé par l’Etat dans sa réforme de 1987, qui redéfinit le statut et la mission du département de sociologie. Devenu « département des sciences sociales », sa mission sera : « L’élaboration et la transmission des connaissances, le développement de la recherche et la formation des agents du développement national dans tous les domaines de la compétence des sciences sociales » (Arrêté n°000616/MESRS, article 2). Ce programme fait aussi du département des sciences sociales un Bureau d’études :
Ces décisions vont orienter les travaux de recherche vers le développement socioéconomique que deux filières se chargent d’encadrer pédagogiquement : la sociologie du travail et surtout la sociologie du développement. Les travaux des étudiants de la première unité pédagogique porteront sur les conditions de travail en vue de leur amélioration, ceux de la seconde s’intéresseront aux installations socioéconomiques comme Elf-Gabon, Shell-Gabon, Agro-Gabon, SOSUHO, SOGADEL, Radio Oyem, etc., en un mot, des structures socio-économiques. L’objectif ici est double : évaluer l’ « incidence » de ces investissements sur les populations, et apporter des propositions en vue d’accroitre les « impacts positifs ». L’orientation de la recherche ne cache pas ici sa référence à l’ « axiomatique utilitariste » (C. Grignon, 2002, 121). Le retour au département de sociologie en 1992 est marqué par la création d’une nouvelle filière : la sociologie de la connaissance. Celle-ci privilégie la réflexion sur la société globale en transition vers le capitalisme. Les objets apparaissent comme « abstrait » et sans incidence directe sur la vie quotidienne, contrairement à ceux de la filière développement dont la visibilité donne un caractère « concret ». Cette distinction fait d’ailleurs dire à Jean Ferdinand Mbah (2001) que la sociologie se partage entre la « science des problèmes sociaux et la science des faits abstraits ». Ce clivage se double d’une hiérarchie des objets : les objets majeurs seraient ceux en rapport avec la société globale ou répondant à l’axiomatique du développement socioéconomique, ceux qui s’en écartent sont mineurs [2]. Cette hiérarchisation, rapportée à la distance que la sociologie gabonaise a souvent entretenue avec certains objets, révèle le renoncement au projet anthropologique de la sociologie, et sa prétention à une position dominante par rapport à l’anthropologie qui devrait étudier les objets mineurs. Mais, pour reprendre l’interrogation de Pierre Bourdieu : « la sociologie […] peut-elle rejeter dans l’ordre de l’insignifiant les conduites qui ne proposent pas l’évidence immédiate de leur importance historique ? » (1965, 17). 1.2. La sociologie des « faits banals » La crise économique des années1980, relative à l’effondrement du prix de pétrole dont le Gabon tire l’essentiel de ses revenus, avait provoqué le retrait de l’Etat de ses domaines de redistribution sociale. Il s’est alors développé de nouvelles dynamiques sociales permettant aux individus de (ré)inventer leur quotidien (M. De Certeau, 1990). Ces pratiques et logiques ne s’observent pas seulement chez les classes populaires (B. Yanga Ngary, 2008 ; P. Ondo ; 2009a, J. Mussavu Mussavu, 2019, 13-40), elles sont aussi présentes chez la bourgeoisie politique ou d’Etat (P. Ondo, 2011, 125-152). Le retour au multipartisme en 1990 à la faveur d’une Conférence nationale, a doublement influencé le choix de ces objets. D’abord comme situation politique, il a libéré les initiatives et la recherche par la reconnaissance de la liberté d’expression et d’association. Cela s’est traduit par la création des laboratoires de recherche [3], des rencontres scientifiques [4] (colloques, tables rondes, séminaires, etc.), et une décrispation voire une audace de certains chercheurs à s’affranchir de la peur que suscitaient et suscitent même encore certains objets. Puis comme situation objectivable, le retour au multipartisme a offert à la sociologie des objets nouveaux dont la saisie impose une inversion paradigmatique pour envisager la « politique par le bas » (J-F. Bayart, A. Mbembe, C. Toulabor, 2008). Par cette porte, la réflexion vient labourer le terreau fécond des réalités politiques échappant souvent au balisage habituel de la sociologie, et au corpus de la science politique. Il s’agit d’une lecture du politique dans sa « quotidienneté », loin des institutions et des appareils, c’est-à-dire des « lieux où le rapport social prend forme, où s’expriment des résistances, où les forces de l’innovation ont leur source » (G. Balandier, 1982, 6). Dans cette veine, la rumeur politique, par exemple, devient un mode de délibération sur le personnel et les évènements politiques (P. Ondo, 2009b) en même temps que les modalités de sa pratique offre une force symbolique à l’irrévérence à l’égard du pouvoir. Les imaginaires qui colonisent le monde politique trouvent leur matérialité dans les crimes à but fétichiste (J. Tonda, 2004). Quant au recrutement d’une nouvelle génération de sociologue, il s’agit de ceux qui ont été formé au département de sociologie dans les années 1990 et ont soutenu leur thèse en France, pour la plupart, dans les années 2000. Au cours de leur formation doctorale, ils découvrent les « sociologies critiques non-marxistes » (P. Corcuff, 2001), voire postmarxistes. Ce qui attire dans ces sociologies que Philippe Corcuff qualifie de « constructivistes » (1995), ce sont les possibilités qu’elles offrent pour franchir les seuils des oppositions classiques : idéel/matériel, subjectif/objectif, individuel/collectif, etc. Ce nouvel espace de questionnement des réalités sociales a permis de prendre pour objets les agents, leurs pratiques, leurs représentations et imaginaires dans une articulation avec les institutions sociales. Ce renouvellement des objets est aussi et surtout marqué par l’arrivé de Joseph Tonda au département de sociologie (P. Ondo, 2019). Il y introduit deux enseignements dans la filière « sociologie de la connaissance » : « pouvoir et système symbolique » et « santé et religion ». Ces enseignements vont s’émanciper de cette filière avec l’entrée dans le système LMD (Licence Master Doctorat) au début des années 2000, pour se muer en un parcours : « Santé –Religion et Imaginaires ». Joseph Tonda va intéresser la sociologie gabonaise à des objets qu’elle avait jusque-là laissés à sa périphérie : le corps, la maladie, la religion, le symbolique, l’imaginaire. Il montre comment ces faits sont surchargés anthropologiquement et sociologiquement car ce sont des constructions historico-symboliques qui structurent des rapports sociaux. Le corps, les choses, la valeur qu’on leur attribue et les représentations qu’on s’en fait, sont la porte d’entrée de cette sociologie du quotidien qui nous apprend qu’un certain rapport au corps ainsi que le port de ce corps conduisent à la production du « corps-sexe » que l’imaginaire a travaillé pour être perçu comme une « tuée-tuée » : « étrange femme arborant des DVD (Dos et Ventre Dehors), dont le nom redouble le suffixe de la prostituée comme pour en intensifier les logiques de mort, femme dont le souci du corps et de l’apparence est associé à l’image d’élégance outrancière ou scandaleuse de la prostituée » (J. Tonda, 2007) La sociologie des corps, la sociologie des imaginaires et la sociologie de la maladie ou de la guérison, chez Joseph Tonda, trouvent leur unité ou leur solidarité dans la sociologie des pouvoirs ou des puissances et de la domination dont l’objet est nommé métaphoriquement « le Souverain moderne ». Le Souverain moderne est une : « puissance qui instruit et administre la culture du corps et des choses dans la danse, en politique, dans la maladie, dans le deuil, dans la guerre. En d’autres termes, la puissance du Souverain moderne régit l’éducation et les mises en œuvre effectives des pratiques d’appropriation, de contrôle, de protection, de transformation, de transfiguration, d’accumulation, de collection et de cumul, ou, au contraire, de consommation et de consumation, des corps et des choses dans le monde contemporain africain » (J. Tonda, 2005, 8). 2. Du rapport indirect à l’implication au terrainLe clivage des sociologies conduit inévitablement à un rapport différent aux objets et donc au terrain, dont les modalités d’accès ou de sa pratique sélectionnent aussi différemment les techniques d’enquête. 2.1. Le rapport indirect au terrain L’autoritarisme du monopartisme avait provoqué, au début des années 1980, un mouvement de revendication de la démocratie (F. Doey, 1983) dont les conséquences sur la sociologie ont révélé un double sentiment de peur : celui du pouvoir et celui des sociologues eux-mêmes. Du côté du pouvoir, ce mouvement auquel participaient de nombreux universitaires, fait prendre conscience de la dangerosité de la fonction critique de la sociologie : c’est une discipline qui dérange. Dans cette situation, la réforme de 1981 marque un coup double. D’une part, elle exorcise la sociologie en rebaptisant son département, qui devient « département des sciences sociales », afin de délivrer cette discipline des démons qui hantent le pouvoir. D’autre part, elle offre aux sociologues une pratique plus accommodante et rassurante. Sur le plan de la construction théorique, cette pratique se traduit par une prise de distance à l’égard de la sociologie marxienne et un développement d’une « sociologie a-théorique » (J.-F. Mbah, 2001, 11). Dans le rapport du terrain, il se développe chez certains une « sociologie encyclopédique » (P. Champagne et al., 1996, 2) qui tourne le dos au terrain. Dans certains cas, la première et dernière expérience de recherche reste celle de la thèse de doctorat convertie en expérience professionnelle et ou pratique de recherche. Dans d’autres cas, on privilégie les résultats mis en forme et systématisés dans les manuels. D’autres sociologues trouvent une posture confortable dans les méthodes ou procédures qui entretiennent un rapport d’extériorité avec l’objet, car elle implique un rapport indirect avec le terrain. C’est dans cette tendance que la sociologie se développe aussi comme un instrument d’intervention et où se manifestent avec insistance les usages sociaux de la sociologie [5], à travers la recherche-action qui place le sociologue dans des « terrains préparés ». Non seulement ces recherches commanditées ou recherche-expertise réduisent la pratique du terrain au pragmatisme de l’utilitarisme inhérent aux problèmes de développement, mais encore son formalisme de l’enquête que l’on trouve aussi dans la sociologie institutionnelle, n’aide pas à l’acquisition du métier de sociologue ou au développement d’une « politique du terrain » (J.P. Olivier de Sardan, 1995). Ce qui fait que ces sociologues sont plus enclins au rapport indirect avec le terrain. 2.2. Le renouveau du terrain La frontière entre la sociologie et l’anthropologie est longtemps considérée comme un « faux problème » (L.V. Thomas, 1973 ; J. Copans, 1974) au point qu’elle est devenue problématique depuis les années 1980 (D. Céfaï 2003). Le franchissement de ce clivage contribue à mettre fin au « grand partage » (G. Lenclud, 1992) en permettant ici un reflux vers la sociologie des méthodes anthropologiques. Ainsi, la sociologie gabonaise peut s’attacher à des aspects jusque-là négligés des actions et interactions, et d’accéder à l’univers symbolique nécessairement social des agents sociaux afin de dégager les logiques qui s’incarnent dans leurs pratiques (J.M. Chapoulie, 2000). Ce rapport nouveau au terrain oriente vers une sorte de « sociologie indigène » qui implique une immersion au terrain et une émersion des objets par observation et interlocution. Ce qui fait que les personnes étudiées sont moins des enquêtés que des informateurs ou interlocuteurs. Les situations de face à face avec ces personnes obligent le chercheur à considérer les conditions dans lesquelles il obtient les réponses à ses questions, c’est-à-dire finalement les interactions possibles en situation d’enquête (B. Masquelier, J.-L. Siran., 2000). Les objets sur lesquels est appliquée cette pratique du terrain, présentent deux aspects dont la saisie contraint à une inventivité du terrain. D’abord leur familiarité travaillée par le quotidien exige du chercheur de se tenir à une « bonne distance » pour ne pas pécher par excès de familiarité. Puis, leur caractère diffus du fait que ces réalités se fixent sur différents supports et se diffusent dans différents espaces sociaux, conduit le chercheur à construire leur unité de sens au travers de leur hétérogénéité apparente (P. Ondo, 2019b). Pour faire face à ces aspérités, le chercheur récupère ici la diversité du travail empirique de l’anthropologie (H. Mendras, M. Oberti, 2000) et rappelle, à cet effet, à la sociologie des objets institutionnels que le travail de terrain ne doit pas se réduire à la passation du questionnaire et à l’exploitation des textes [6], il doit aussi se réaliser par les entretiens, les observations. Ainsi, l’observation a servi principalement à l’analyse de la lutte des classements dans la dramaturgie sociale à Libreville (P. Ondo, 2015a). Cette technique a été associée aux entretiens pour faire des « entretiens ethnographiques » (S. Beaud., 1996) dans l’étude de la rumeur (P. Ondo, 2009), dans l’analyse des espaces de stationnement comme lieu de survie et de négociation identitaire à Libreville (J. Mussavu Mussavu, 2019) et dans la guérison divine (J. Tonda, 2002, op. cit.). ConclusionA la suite de Pierre Bourdieu, nous considérons que la pratique sociologique « doit s’achever dans l’analyse du processus selon lequel l’objectivité s’enracine dans et par l’expérience subjective » (1965, 21). Un tel projet n’est possible qu’à condition d’effectuer un « détour par une tradition exotique […] indispensable pour briser la relation de familiarité trompeuse qui nous unit à notre propre tradition » (P. Bourdieu, 1998, 9). Ainsi, la sociologie pourra-t-elle s’accomplir dans sa « vocation proprement anthropologique comme effort pour reconquérir les significations réifiées » (op. cit., p. 18). Mais cela n’est possible qu’à condition de transgresser la frontière entre la sociologie et l’anthropologie. En effet, l’analyse d’une société qui a été marquée par la « situation coloniale » comme le Gabon, peut-elle se passer de l’anthropologie ? Les faits anciens auraient-ils été dissous par l’effet de la « transitionnalité » de cette société vers le capitalisme ? Sinon, quelles formes et quels sens prennent-ils ? Et les faits introduits par la colonisation, échappent-ils aux logiques et pratiques sociales endogènes ? [7] Les « magma », les amalgamations, les fusions et ébullitions des réalités africaines (P. Geschire, 2019), travaillent la sociologie gabonaise dans le sens de sa réinvention en nourrissant la sociographie des éléments anthropologiques afin de comprendre et expliquer comment différents éléments fusionnent, se transforment et entrent dans une étroite articulation. Bibliographie1. Ouvrages 2. Articles Pour citer cet article : Placide Ondo, « Métamorphoses sociologiques ou renouvellement de la sociologie gabonaise. A l’épreuve des objets « banals » », Revue Oudjat en Ligne, numéro 3, volume 1, janvier 2020. Actes du Colloque international de Libreville : L’Afrique au XXe siècle. Savoirs, concepts, méthodes et doctrines scientifiques, Haut de Gué-gué, du 26 au 28 juin 2019. ISBN : 978-2-912603-94-4/EAN : 9782912603944. |
[1] Rappelons avec Pierre Bourdieu : « le type de science sociale que l’on peut faire dépend du rapport que l’on entretient avec le monde sociale, donc de la position que l’on occupe dans ce monde. Plus précisément, ce rapport au monde se traduit dans la fonction que le chercheur assigne consciemment ou inconsciemment à sa pratique et qui commande ses stratégies de recherche : objets choisis, méthodes employés, etc. » (2002, 26). [2] Rappelons avec P. Bourdieu que « La hiérarchie des domaines et des objets oriente les investissements intellectuels par la médiation de la structure des chances (moyennes) de profit matériel et symbolique qu’elle contribue à établir : le chercheur participe toujours de l’importance et de la valeur qui est communément attribuée à son objet et il y a très peu de chance qu’il ne prenne pas en compte, consciemment ou inconsciemment, dans le placement de ses intérêts intellectuels le fait que les travaux les plus importants (scientifiquement) sur les objets les plus « insignifiants » ont peu de chance d’avoir, aux yeux de tous ceux qui ont intériorisé le système de classement en vigueur, autant de valeur que les travaux les plus insignifiants (scientifiquement) sur les objets les plus « importants » qui sont aussi bien souvent les plus insignifiants, c’est-à-dire les plus anodins » (1975, 4-5). [3] Certains sociologues de l’Université Omar Bongo se regroupaient d’abord avec les historiens, les géographes et philosophes dans un laboratoire créé et dirigé par un géographe : le CERGEP (centre d’Etudes et de Recherches en Géopolitique et prospective). Il a été créé, en 2001, le premier laboratoire de sociologie : le CRES (Centre de Recherches et d’Etudes Sociologiques) Deux autres laboratoires, dirigés par des sociologues verront le jour à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l’Université Omar Bongo : d’abord le CURFOD, ensuite le CERUSS (Centre d’Etudes et Recherches Universitaires en Sciences sociales). [4] Une bonne partie des leurs financements proviennent des organisateurs eux-mêmes. [5] La majorité des enseignants du département de sociologie a participé à un travail commandité par l’Etat, le PNUD (projet Gabon 2025), les sociétés pétrolières (Shell-Gabon) ; les sociétés forestières (Rougier Gabon, Leroy Gabon), etc. [6] Sur la pratique de terrain, nous avions constaté le fait suivant : « Malgré de nombreuses années de voisinage dans un même département universitaire, l’anthropologie et la sociologie n’ont pas su profiter de leurs apports respectifs tant les enseignements étaient cloisonnés dans leurs filières. Ainsi, la sociologie a entretenu dans bien des cas un rapport indirect au terrain en privilégiant l’analyse des contenus des manuels de lecture […] et l’enquête centrée sur les archives […] ou procédant par questionnaire » (2006, 600). [7] Nous avions déjà exprimé cette préoccupation dans une autre contribution (2010, 138-139). |